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Groupe de Reflexion et d'Action pour le Tchad
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29 août 2015 6 29 /08 /août /2015 07:45
TCHAD : ENJEUX ÉLECTORAUX (2015-2016) Par Acheikh-Acheikh IBN-OUMAR

2015 et 2016 sont des années de rendez-vous électoraux au Tchad et d’autres pays voisins et africains.

Dans beaucoup de ces pays, ce sont vraiment des élections à haut risque à cause de la polémique sur la limitation des mandats présidentiels ou de crises non-résolues.

Le Tchad affronte les mêmes défis que la plupart des pays africains au sud du Sahara : construction de l’Etat-Nation, décollage économique, transition démocratique, montée des défis sécuritaires transfrontaliers… Cependant, le Tchad a deux spécifités qui marquent fortement les enjeux géopolitiques et stratégiques, et même les enjeux politiques internes :

1) Un territoire vaste, à moitié désertique et enclavé, au cœur du Continent, partageant de très grandes frontières avec des pays très sensibles (Libye, Soudan, Nigéria, RCA, Cameroun, Niger).

2) Les capacités de ses forces armées à se projeter efficacement hors des frontières.

L’activisme de Boko Haram avait pratiquement interrompu le trafic commercial avec le Nigeria. S’il fallait qu’à cela s’ajoutât la prise de Maroua au Nord-Cameroun par Boko-Haram, Ndjamena serait totalement asphyxiée économiquement et pratiquement tout le pays.

Le gouvernement tchadien était dans une impérieuse nécessité d’envoyer des forces à la frontière nigéro-camerounaise, ne serait-ce que pour écarter ce danger.

Il fallait aussi dissiper les suspicions malsaines qui commençaient à se développer quant à l’attitude du régime tchadien au groupe terroriste Boko Haram (voir « La bataille contre Boko Haram sera longue et rude », interview dans le numéro de février 2015 du magazine Afrique-Asie.)

Les traditions guerrières au Tchad et les projections loin des frontières par nécessité économique sont un héritage très ancien. La première grande expédition militaire hors de nos frontières remonte au 13ème siècle.

Menaces sécuritaires

La première question qui se pose pour le Tchad et aussi pour les autres pays voisins qui sont dans une phase préélectorale, , c’est celle des menaces sécuritaires. Y a –t-il un risque de d’extensions du « califat embryonnaire » de Boko-Haram à l’intérieur de notre territoire ? Et y-a-t-il un risque de débordement des crises persistantes au Darfour soudanais et en RCA, ainsi que du chaos libyen ? …

… Le vrai risque immédiat et inquiétant, venant de Boko-Haram, c’est celui des attentats individuels à Ndjamena ou de sabotages sur le pipe-line qui transporte le pétrole tchadien vers le port camerounais de Kribi. (voir: Boko Haram : 2 femmes kamikazes arrêtées au Tchad http://french.china.org.cn/foreign/txt/2015-02/03/content_34726902.htm ).

Les services de sécurité de nos pays sont en général très mal préparés pour déjouer ou circonscrire les attentats individuels. …

Aussi, il est vital que les élections dans ces quatre pays qui sont voisins, se passent de la meilleure façon possible.

LES ÉLECTIONS AU TCHAD

Les forces en présence

Le calendrier prévu est 2015 pour les législatives, et 2016 pour les présidentielles…

Le parlement actuel est issu des élections de 2010:

Le MPS (Mouvement Patriotique du Salut, parti présidentiel) rafle la quasi-totalité des sièges dans le Nord musulman, alors que l’opposition arrive à limiter les dégâts au Sud et dans la capitale…

…Il s’en suit une polarisation indirecte Nord/Sud, sur laquelle joue parfois le pouvoir, sans se soucier du potentiel destructeur de ce facteur pour une unité nationale très fragile…

… Report conflictuel des élections

Les élections régionales n’ont pas pu se tenir en 2014. Les élections législatives prévues pour avril 2015 ne pourront pas l’être non plus. L’obstacle est la non réalisation du recensement biométrique. … Les conditions techniques et financières n’en permettent pas la réalisation, dans les délais … Ce qui n’est pas acceptable pour l’opposition …

Détérioration progressive de la qualité de l’exercice électoral Pour ce qui est des présidentielles, le problème principal, c’est la durée même de la présidence du général Idris Déby Itno. Il a déjà passé 24 ans au pouvoir et le bilan est considéré comme globalement négatif … En fait, depuis le début de la transition démocratique, au tournant des années 90, on a assisté à une détérioration progressive de la qualité de l’exercice électoral… en mettant tous les moyens permis par la puissance du pouvoir d’Etat au service de l’hégémonie politique et électorale du parti MPS. … (voir le livre « Tchad: élections sous contrôle -1996-1997, par Antoine BANGUI-ROMBAYE, éditions L’HARMATTAN)

… Le président Déby Itno a fait modifier la Constitution en 2005 pour lever la limitation des mandats (scénario trop connu, malheureusement), … Cette tendance vers le plébiscite est une illustration parmi de nombreuses autres, du fait que la transition démocratique annoncée est en train de se pervertir en restauration rampante de l’autoritarisme.

Un climat social et politique très tendu

Si un tel scénario devrait se répéter, cette fois-ci la crise qui en découlerait risquerait d’être incontrôlable. Il y a un sentiment de ras-le-bol au sein de la population… Le climat social est tellement tendu que la moindre étincelle peut déclencher une vaste explosion…

… Le ressentiment contre la France aussi est en train de grandir. … Les Tchadiens ont le sentiment que le régime a acheté, grâce au prestige extérieur, une licence illimitée pour piller et réprimer sans retenue, à l’intérieur…

LES OPTIONS DES FORCES POLITIQUES

L’opposition parlementaire dite radicale, principalement le regroupement des partis fédéralistes, réclame le départ immédiat du président Déby afin de confier l’organisation des élections à un gouvernement vraiment neutre …

… L’opposition parlementaire dite modérée, principalement la CPDC (Coalition des Partis pour la Défense de la Constitution, dont le premier porte-parole le professeur Ibni Oumar Mahamat Saleh, fut éliminé par le pouvoir en 2008), propose que le président Déby Itno puisse mener son mandat actuel jusqu’à son terme, mais qu’il s’abstienne de briguer un autre mandat en 2016.

Les activistes de la société civile espèrent plutôt un soulèvement populaire sur l’exemple du Burkina Faso…

… Le groupe au pouvoir donne l’impression de ne pas prendre la mesure des tensions sociales et politiques et de la nécessité de faire les concessions nécessaires pour assainir le climat …

CONCLUSION

La logique des présidences à vie sous de nouveaux habillages « démocratiques », retarde la marche de nos pays vers l’Etat de droit et le progrès … A l’inverse l’amélioration des processus électoraux contribuera à assainir la situation sur tous les plans, et permettra de mieux faire face aux défis du terrorisme et de l’insécurité en général … Ce qui nécessite, sur le plan interne, la construction d’un pacte national entre les différentes composantes de l’opposition et les pouvoirs en place …

Sur le plan de la coopération internationale, l’intervention militaire peut éviter le pire dans l’immédiat, mais compter principalement sur le parapluie militaire des grandes puissances ne saurait être la solution … L’accent doit être mis sur une réforme profonde de la doctrine militaire et sécuritaire dans nos pays…

Acheikh-Acheikh IBN-OUMAR (extraits de l’intervention à un séminaire sur les enjeux électoraux en Afrique, Bruxelles 29 janvier 2015.

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