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Groupe de Reflexion et d'Action pour le Tchad
"Un blog Indépendant qui va au délà de l'actualité"

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                                             « Informer sans tabous et sans mensonges »

11 mars 2014 2 11 /03 /mars /2014 13:46

Deby

 

2.1.2 Un soutien très secret de Déby à la Séléka dès le départ 

Idriss Déby semble avoir commencé à agir en faveur de la Séléka en libérant, au minimum, Mohamed Dhaffane qui était aussi emprisonné ou en résidence surveillée au Tchad[81]. Le 10 juillet 2012, selon un communiqué de Noureddine Adam, qui s’estime alors Président du Conseil Suprême de la Convention des Patriotes pour la Justice et la Paix (CPJP), et selon une déclaration de son adversaire dans la CPJP Abdoulaye Hissène[82], Mohamed Dhaffane est toujours prisonnier[83]. Pourtant sa rébellion, la Convention patriotique du salut du Kodro (CPSK), a été créée fin juin 2012[84]. Il est possible qu’il y ait eu sur l’emprisonnement de Mohamed Dhaffane sur la dernière période de l’été 2012, une certaine désinformation pour favoriser un plan militaire. Le jeune Nelson Ndjadder, qui a rejoint la CPSK puis la Séléka pour la quitter déçu le 3 mars 2013 témoigne fin 2013[85] : « J’ai été contacté par Moussa Dhaffane (président de la Convention Patriotique du Kodro, “kodro” voulant dire pays) qui m’a mis au parfum de l’action qui était en cours, c’est-à-dire qu’Idriss Déby (président du Tchad) et Omar el-Béchir (président du Soudan) se préparaient à renverser Bozizé. » Nelson Ndjadder déclarait également dans un communiqué le 20 août 2013[86] : « Nous avons des preuves tangibles que plusieurs responsables politiques et militaires de la Séléka, ont séjourné à Ndjaména, sécurisés par les renseignements tchadiens. C’est le cas de Dhaffane, Nouredine Adam et bien d’autres. » Nelson Ndjadder semble sur d’autres sujets avoir relayé de fausses informations[87], aussi toutes ses déclarations sont à prendre avec précautions, mais cette information a plusieurs sources. Déby a peut-être un jour aussi libéré Noureddine Adam s’il a vraiment été arrêté réellement, parce qu’il y a pu avoir désinformation à ce sujet.

Human Right Watch reprend une information d’International Crisis Group [88] : « En 2012, le gouvernement de la RCA a commencé à perdre les faveurs du président tchadien. Suite à cette rupture, des membres tchadiens de la garde présidentielle de Bozizé ont été rappelés à N’Djamena en 2012. Au même moment, le gouvernement tchadien libérait des membres de la Séléka qui étaient maintenus sous surveillance au Tchad, ce qui les a laissés libres de rejoindre la coalition rebelle en formation en RCA. Selon les analystes, le changement qui s’est produit au niveau des allégeances du Tchad en RCA peut s’expliquer par le besoin de maintenir le contrôle de la ceinture pétrolière au sud du Tchad, une zone où les résidents locaux sont historiquement opposés à Déby. (Voir ICG, « RCA : les urgences de la transition, », 11.6.13[89].) Des groupes rebelles hostiles à Déby armés par le Tchad, tels que le Front uni pour le changement ou des éléments fidèles à l’ancien chef des rebelles tchadiens Abdel Khader Baba Laddé du Front populaire pour le redressement utiliseraient le nord de la RCA comme base arrière. (Entretien HRW avec un officier de la FOMAC, Kaga Bandoro, 5.6.13.). » Le rapport d’ICG ne précise pas les membres de la Séléka libérés et indique en annexe (B, p37) que Moussa Dhaffane a été ‘Libéré en plein cœur de la crise par le pouvoir tchadien’, a priori en octobre 2012, date du retrait de la protection tchadienne, ou début novembre.

Selon RFI, après le passage conflictuel de Déby à Bangui en mai 2012, Bozizé craint un soutien de Déby à des rebelles ‘centrafricains’[90] : « Dans les mois qui ont suivi, les relations n’ont fait que s’envenimer, François Bozizé soupçonnant son voisin du nord de soutenir les rebelles, puisqu’il accueillait deux de leurs leaders au moins sur son sol. »

A partir de mi-2012, la CPJP est divisée en 2 rébellions, celle d’Aboulaye Hissène qui signe l’Accord de Paix Global de Libreville du 25 août 2012 avec Bozizé[91], et celle de Noureddine Adam, appelé aussi CPJP fondamentale[92], les 2 composantes s’accusant mutuellement d’être usurpatrices[93]. L’accord de Libreville 1 prévoit un programme Désarmement, Démobilisation et Réintégration (DDR) pour la CPJP[94], qui n’est pas accepté par la CPJP fondamentale, qui, ainsi, est ‘poussée’ par un accord non inclusif vers une radicalisation.

Sur le terrain, la CPJP fondamentale s’est fait connaître les 16 et 17 septembre 2012, aux côtés d’ex-‘libérateurs’ (certains parmi 200 jeunes recrues[95]) lors d’une attaque sur les localités de Sibut et Damara, au nord de Bangui. La Séléka justifie cette attaque dans un communiqué du 12 décembre 2012 signé Djotodia, Adam et Dhaffane, par une liste de revendications, dont le « respect des recommandations du Dialogue Politique Inclusif (DPI), qui s’est tenu en 2008 »[96], et en écrivant qu’elle a été entreprise « conformément à la philosophie politique de l’Accord militaire stratégique du 20 août 2012 entre la CPJP du Général Noureddine Adam et la CPSK du Général Mohamed-Moussa Dhaffane, à laquelle s’est librement adhérée l’UFDR de Monsieur Michel Djotodia, résultat des négociations constructives entre les deux Présidents de la CPJP et de l’UFDR, et dans le cadre de la mise en œuvre dudit Accord »[97].

Abdoulaye Hissène, a aussitôt affirmé, selon RFI, « Il n’y a pas un seul élément de la CPJP parmi eux. Il n’y a pas un seul responsable de la CPJP parmi eux ! (…). Cette rébellion pour moi est purement tchadienne ! Il n’y a pas un seul centrafricain parmi eux ! »[98] Le 17 septembre 2012, l’alliance CPSK-CPJP a aussitôt publié un communiqué démentant être composée de « tchadiens et d’étrangers », et accusant Abdoulaye Hissène de vouloir provoquer une intervention de l’armée tchadienne[99]. Celui-ci étant du côté de la paix ne pouvait plus armer des jeunes pauvres ou recruter des mercenaires aguerris, comme s’il allait à la guerre comme Noureddine Adam, et alors qu’il avait commencé en septembre 2012 à transformer sa faction de la CPJP en parti politique[100]. En juin 2013, seulement 400 soldats restaient autour d’Abdoulaye Hissène, devenu paradoxalement alors ministre centrafricain de la Jeunesse, des Arts et de la Culture, pour intégrer les Forces armées centrafricaines (FACA) à Bangui[101].

Le 29 octobre 2012, des éléments du FDPC de Miskine et des dissidents de la CPJP sont signalés dans un petit pillage[102]. Alors que la traque de la LRA attire encore l’attention[103], en novembre, la Séléka n’apparait pas encore et l’Observatoire centrafricain de droit de l’homme (OCDH) évoque le 21 novembre dans son bilan de l’année 2012[104] « l’occupation de certaines régions du pays par des rebellions étrangères telle que le Front populaire pour le redressement (FPR) du Tchadien Baba-Laddé et l’Armée de résistance du seigneur (LRA) de l’ougandais, Joseph Kony, qui continuent de commettre des exactions dans le sud-est … plusieurs attaques, de la rébellion du Front démocratique du peuple centrafricain (FDPC) d’Abdoulaye Miskine, un proche de l’ancien président Ange Félix Patassé… » et l’attaque du 15 septembre de Damara et Sibut, « par des dissidents de la convention des patriotes pour la justice et la paix (CPJP) ».

L’agence de presse centrafricaine la Nouvelle Centrafrique évoque une réunion secrète à Ndjamena en novembre 2012 réunissant Nicolas Tiangaye, Michel Djotodia, Martin Ziguélé et d’autres[105]. Le Mouvement Révolutionnaire Populaire pour la Libération (MOREPOL) présidé par Lévi Yakété qui deviendra ensuite un représentant des anti-balaka et s’engagera pour le retour de Bozizé, a déclaré le 6 juin 2013[106], parlant de la Séléka, de Djotodia, Adam, Dhaffane et Djadder : « Cette soi-disant rébellion centrafricaine n’en était pas véritablement une. Elle a été plutôt une invention de monsieur Idriss Déby qui, voyant le Président François Bozizé qu’il considérait comme étant son homme de main commencer à se libérer de son emprise et prendre trop de liberté, allant jusqu’à renvoyer à Ndjamena de façon inattendue les éléments tchadiens mis à sa disposition pour « surveiller » ses fréquentations et avoir l’audace de ne pas accepter que le « pipe-line » pétrolier de Centrafrique soit connecté à celui du Tchad, préférant le faire passer par le Soudan. Déby n’a pas également pardonné à Bozizé le non respect du Dyle [deal] qu’ils ont tous les deux conclu au sujet de Charles Massi et de Baba Ladé. L’un et l’autre devrait faire disparaître purement et simplement ces chefs rebelles jugés encombrants. Déby a fait sa part de sale besogne et Bozizé, pour quel motif on ne sait, n’a pu respecter le pacte conclu (est-ce à cause de sa religion céleste ?). Baba Ladé a donc été rapatrié vivant au Tchad et Déby a juré de faire payer à Bozizé sa trahison. Pour assurer le succès de son expédition punitive contre Bozizé et conscient qu’aucun groupe rebelle centrafricain n’est capable d’arriver à Bangui et de faire tomber ce dernier, il a décidé de s’occuper personnellement des préparatifs de l’opération en invitant tous les vrais ou faux chefs rebelles et les « ennemis » personnels de Bozizé à Ndjamena début novembre 2012 et les a logés à ses propres frais. Il a ensuite fait libérer Dhaffane, arrêté et emprisonné entretemps dans les geôles tchadiennes pour escroquerie et tentative de vol à main armée, pour qu’il intègre le groupe. Pour se faire bonne conscience et croyant à tort que Néris était le fils biologique de Massi, il lui a fait appel en vue de donner une certaine crédibilité à la manœuvre. Participaient également à cette réunion Martin Ziguélé, Nicolas Tiangaye, Abdou Karim Meckassoua, Crépin Mboligoumba, Guy Moskyt et Prosper Ndouba. Déby a informé ses interlocuteurs que les mesures ont déjà été prises auprès des chefs rebelles du Darfour et des chefs tribaux Zagawas pour rassembler les combattants et les mettre à disposition. » On peut douter de la véracité intégrale de ce récit, qui sans doute mêle quelques éléments factuels, des interprétations et peut-être une partie mensongère. Abdou Karim Meckassoua est le ministre des Postes, Télécommunications et des Nouvelles technologies de Bozizé, il réapparaitra en janvier 2014 comme candidat à la présidence de transition. Crépin Mboli-Goumba, alors président du parti Patrie sera ministre de l’équipement et porte-parole du gouvernement de Djotodia[107]. Prosper Ndouba, ancien porte-parole de Patassé, chroniqueur du blog Centrafrique Presse, anti-Bozizé, sera, lui, nommé par Djotodia, conseiller en communication et porte parole de la présidence en avril 2013[108]. D’autres informations contradictoires circulent sur internet sur une ou la mystérieuse réunion de novembre 2012, qui demanderaient des vérifications[109].

2.2 L’offensive de la Séléka en décembre 2012 sous l’œil de Déby 

Il semble que, début décembre 2012, juste avant le démarrage du programme de Désarmement, Démobilisation et Réintégration (DDR) prévu en janvier 2013, les Forces armées centre-africaines (FACA) n’étaient pas en mesure de savoir exactement quelles étaient les forces de la CPJP et de l’UFDR qui acceptaient l’accord de paix suivant les chefs Hissène et Damane et quelles étaient celles qui obéissaient à Adam et Djotodia. Le 10 décembre 2012, « un habitant de la ville de Ndélé, la population a été terrorisée par l’incursion des éléments de l’UFDR qui étaient basés au village de Kourbou, localité à sept kilomètres de la ville, pour attendre le programme de Désarmement, démobilisation et réinsertion. Ces éléments ont fait irruption dans la ville et ont attaqué le détachement des Forces armées centrafricaines (FACA). »[110] Si c’est le cas, une stratégie tenant compte du programme DDR explique sans doute le silence maintenu sur la création de la Séléka et les chefs qui la dirigeaient. La CPJP d’Hissène en attente de désarmement était aux côtés des FACA contre l’UFDR de Djotodia à Ndélé[111]. Djotodia apparaît le 10 décembre comme le chef de l’UFDR et pas encore de la Séléka. Le 17 décembre l’UFDR prend Bamingui, après Ndélé, Sam-Ouandja et Ouadda[112].

La dénomination ‘Séléka’ apparaît pour la première fois le 17 décembre 2012, décrivant l’alliance CPSK-CPJP-UFDR, sans FDPC qui apparaîtra juste après, dans un communiqué du 12 décembre signé des 3 chefs[113] et dans un communiqué signé Noureddine Adam du 16 décembre. Le 18 décembre, les rebelles ont attaqué plusieurs villes du Nord-Est et Bria au centre-nord[114], puis ont continué d’avancer vers Bangui. La Séléka a profité d’un effet de surprise, les FACA étant dispersées dans l’ensemble du pays. Un mystère subsiste sur comment CPSK, CPJP et UFDR se sont armées avant le 10 décembre. Des accusations contre Déby sans preuve ont circulé. Suite à la prise de certaines préfectures, la Séléka aurait pu profiter des pistes d’aviation pour des échanges d’armes contre diamants.

Les présidents de la CEEAC se sont réunis le 21 décembre à Njaména et ont appelés à un dialogue immédiat. Jeune Afrique parle dès le 21[115] de la « colonne tchadienne » à Sibut, colonne de l’armée tchadienne « accourue » et qui « avait déjà stoppé l’avancée des rebelles » (juste avant le 21). Le 26, des exactions des soldats tchadiens mêlés aux FACA, pillages et viols, sont signalées à Sibut[116].

Selon RFI : « Quand la Séléka a lancé sa première offensive sur Bangui, en décembre (2012), les militaires tchadiens étaient intervenus. Principe de précaution, Ndjamena soupçonnait Michel Djotodia d’entretenir de bonnes relations avec la rébellion tchadienne. »[117] Cette présentation imprécise est sans doute inexacte, car la réalité était plus complexe : Déby n’était pas satisfait des relations ambivalentes de Djotodia avec certaines rébellions tchadiennes et il a pu espérer obtenir des arrangements. Plusieurs hypothèses sont possibles, autour de la position des autres présidents d’Afrique centrale, d’aspects diplomatiques, d’arguments de Bozizé, du rapport de force militaire, de la composition et de la force de la Séléka contenant encore trop de ses ennemis, de fait que la Séléka ne lui était pas assez redevable, … Puis, Déby abandonnera totalement Bozizé en mars 2013.

A Paris, la Séléka a récupéré le beau-fils de Charles Massi, Eric Massi, passionné de réseaux sociaux, comme porte-parole et coordonnateur international, qui apparaît le 26 décembre[118] et interviendra pendant les accords de Libreville, avant, en avril 2013, de devenir directeur de l’Autorité nationale de l’aviation civile, nettement plus silencieux[119]. Plus discret, François Nelson Ndjadder, a été coordonnateur-délégué pour l’Europe, depuis la France, fin 2012 début 2013[120], et il a eu du mal a accepté le leadership de Djotodia[121]. Un autre porte parole est intervenu en France, Jean-Paul Bagaza, auprès d’Eric Massi puis après le retour de celui-ci en RCA au moment des accords de Libreville en janvier 2013[122].

Jean-Paul Bagaza, porte-parole dans la ‘coordination’ de la Séléka est interviewé une première fois le 20 décembre 2012 par le journaliste Christophe Rigaud du site Afrikarabia[123], et il indique : « Nous (Séléka) avons donc demandé au président Déby de revenir à la raison et nous l’avons même sollicité pour devenir médiateur dans cette affaire. Nous lui avons expliqué que la France ne nous soutient pas et que nous sommes une rébellion interne à la Centrafrique. » Ce dernier argument très étrange ne révèle-t-elle pas une part de mensonge plus grande ? En décembre 2012, parce Bozizé dénonçait la présence dans la Séléka de « combattants Tchadiens, Nigériens et Soudanais » et le « soutien de la France », la Séléka (CPSK-CPJP-UFDR-FDPC) a démenti : « S’il y avait des Tchadiens en notre sein nous n’aurions pas sollicité la médiation du Président de la République sœur du Tchad. »[124] Eric Massi communiquait de la même manière en décembre 2012.

Un an plus tard, le 15 février 2013, de nouveau interviewé à Paris par le blog Afrikarabia[125], Jean-Paul Bagaza, va raconter une version contradictoire qui se conclut par une instrumentalisation de la Séléka : « En septembre 2012, nous sommes entrés en contact avec Nourredine Adam du CPJP (Convention des Patriotes pour la Justice et la Paix), qui était alors au Tchad, à N’Djamena. Nourredine Adam avait de très bons contacts avec Idriss Déby, le président tchadien. En discutant avec Déby, Nourredine constate que les relations entre le Tchad et la Centrafrique se sont fortement détériorées. Selon Déby, Bozizé ne tient plus parole. Beaucoup d’accords commerciaux et militaires n’ont jamais vu le jour. Notamment sur la création d’une force militaire mixte pour contrôler la frontière entre les deux pays. Idriss Déby souhaitait également la construction d’un pipeline pour alimenter en eau le Tchad depuis la rivière Oubangui. Tous ces projets traînaient. L’autre contentieux entre les deux pays concernait le colonel Charles Massi que le Tchad a livré au régime centrafricain. L’opposant a ensuite été assassiné dans les prisons de Bozizé, contrairement aux engagements pris. François Bozizé avait en effet clairement promis à Idriss Déby de ne pas éliminer Charles Massi. Il n’a pas tenu parole. Idriss Déby a été très en colère. .. Le président tchadien et ses proches ont décidé d’écarter Bozizé du pouvoir. Les tchadiens se sont alors appuyés sur Nourredine Adam, qui avait déjà des soldats. Mais pour éviter que cette rébellion ne soit uniquement “musulmane” et taxée d’extrémisme religieux, les tchadiens voulaient trouver “un intellectuel” pour mettre à la tête du mouvement. Début octobre 2012, Nourradine Adam nous a appelés pour nous dire que c’était Firmin Findiro qui allait occuper la direction politique du mouvement et que nous allions rencontrer le général Mahamat Ali Abdallah Nassour à Paris. Ce général tchadien est un proche de Déby, qui avait d’ailleurs aidé François Bozizé à renverser l’ancien président Patassé en 2003. Il connaissait donc très bien Bozizé. Lors de notre rencontre à Paris, le général nous a dit la même chose que Nourradine : “nous ne voulons plus de Bozizé, il ne tient pas parole, il faut qu’il parte…”. Il nous a aussi dit que pour la stabilité de la région et des frontières, il fallait se débarrasser du président centrafricain. Mahamat Ali Abdallah nous a mis en contact avec le fils d’Idriss Déby, Zakaria, avant de pouvoir rencontrer le président tchadien à Paris, lors d’une visite prévue en octobre 2012 avec François Hollande. Zakaria Déby nous a ensuite appelés pour nous dire que nous pourrions rencontrer le président tchadien à Paris avant le Sommet de la francophonie d’octobre. Mais le président Déby n’a pas voulu d’une rencontre “officielle”, pour éviter d’apparaître dans cette histoire. En fait, le président français a décalé sa rencontre avec Idriss Déby pour la reporter début décembre 2012, ce qui changeait évidemment tous nos plans. Pour déclencher la rébellion, il nous fallait une autorisation au moins “officieuse” de l’opération. On voulait une “bénédiction” avant de déclencher toute attaque. Mais entre temps nous avions déjà fédéré tous les autres groupes rebelles depuis le mois de septembre 2012 et on ne pouvait plus reculer. Dans un premier temps, notre stratégie était que chacune des rébellions mènent ses attaques dans son coin, pour faire croire à des mouvements isolés. Et une semaine après nous devions annoncer la création d’une coalition : la Séléka. Ce qui s’est effectivement passé… Il fallait profiter, dans un premier temps, du soutien d’Idriss Déby pour renverser Bozizé et lui montrer que la Séléka était à ses côtés. Et dans un deuxième temps, après la chute de Bozizé, nous aurions renversé Déby. A propos de l’échec militaire de la Séléka, nous avons été naïfs. Le président Idriss Déby a joué double jeu avec nous. C’est lui qui a fixé la fameuse “ligne rouge” au niveau de la ville de Damara que nous ne devions pas dépasser. Idriss Déby a menacé Michel Djotodia et Nourradine Adam de vouloir les remplacer à la tête du mouvement s’ils franchissaient Damara. Ce que nous avons compris aujourd’hui, c’est que le président Déby a voulu utiliser la Séléka comme un moyen de pression sur François Bozizé. Le président tchadien a obtenu ce qu’il voulait : il y a maintenant la mise en place d’une brigade mixte et le projet de pipeline avance de nouveau. Aujourd’hui Idriss Déby continue donc de contrôler la République centrafricaine, avec ces 3 enfants. Nous avons tout simplement été instrumentalisés par le Tchad. »

Le degré de véracité de ce témoignage capital est à étudier.

Selon la journaliste de Libération, Maria Malagardis, en mars 2013[126], « il semblerait que le mouvement naissant ait eu dès le départ plusieurs mentors et qu’il ait aussi bénéficié de l’appui décisif du président tchadien, Idriss Déby, exaspéré par François Bozizé, jugé de plus en plus ingérable et peu fiable. En fait, Déby aurait joué double jeu, s’appuyant, selon les circonstances, sur les deux camps. Mais l’un de ses fils, Zakaria, aurait servi d’intermédiaire et de conseil auprès du Séléka… » Elle estime que « Firmin Findiro, ‘l’intellectuel’, ancien ministre de la Justice de Bozizé, a joué un rôle important dans la création du Séléka ». Firmin Tindiro, un pilier de la dictature de Bozizé, limogé le 16 juillet 2012, est arrivé fin août[127] en France cherchant à obtenir l’asile politique[128]. En décembre 2011, selon Jean-Paul Bagaza[129], qui l’a accueilli à Paris, il aurait été, en conflit avec Bozizé sur la modification de la constitution pour un 3e mandat : « Le clan Bozizé avait décidé de présenter le fils, Francis, à la présidentielle, si François Bozizé n’arrivait pas à modifier la constitution pour briguer un nouveau mandat en 2016. … Firmin Findiro a tenté de dissuader le président de modifier la constitution, compte tenu de l’instabilité politique ambiante et de l’activité de nombreux groupes rebelles. » cette information est à vérifier et il aurait aussi été accusé avec Sylvain Ndoutingaï « de préparer un coup de force contre le régime (qui a fait que) sans chercher à comprendre, Bozizé va les limoger et les pousser à l’exil. »[130] Le rôle de Firmin Findiro dans la création de la Séléka, s’il se confirme, reste à éclaircir.

Le 31 décembre 2012, Déby a officiellement fixé la « ligne rouge » à ne pas franchir par la Séléka, à Damara[131]. Selon des témoins tchadiens, qui restent discrets, un renforcement de la Séléka par Déby se serait fait fin 2012 par le transport de centaines d’hommes, et le de déplacement de pick-up correctement armés depuis Ndjaména vers Birao, qui auraient paradoxalement aussi servi à des mercenaires tchadiens précédemment opposés à Déby arrivant du Soudan pour servir dans la Séléka. Ces affirmations manquent de preuves et correspondent peut-être plus à la conscience d’un soutien politique de Déby à la Séléka plus qu’à la vérification d’une action sur le terrain.

Le journaliste-blogueur Makaila Nguebla réfugié en France écrit[132] : « Idriss Deby a envoyé coup sur coup 100 et 150 Toyotas lourdement armées en direction de la RCA pour court-circuiter la coalition Séléka qui a cru naïvement à sa bonne foi. En effet, on vient de l’apprendre que des véhicules militaires tchadiens lourdement armés ont traversé le sud du pays, hier et aujourd’hui pour aller intervenir en RCA. » Si des colonnes tchadiennes ont quitté Ndjaména en décembre 2012, il manque des précisions sur les dates, et les destinations exactes de chaque colonne qui déterminent les fonctions de ces armes, destinées soit à rester entre les mains de forces tchadiennes soit à être transmises à la Séléka. Faute de preuves, des accusations sur des armes lourdes qui auraient rejoint la partie de la Séléka la plus proche de Déby sont à prendre avec précautions. La traversée du sud du Tchad dans lequel se trouvent de nombreux opposants à Déby, n’a pu se faire sans se voir, mais au Tchad la liberté d’expression est minimale et la répression maximale. C’est aussi la prise de Bossembélé, garnison du plus grand stock d’armes des FACA avec Bangui, qui a le plus augmenté l’armement de la Séléka. Roland Marchal, sur RFI le 24 mars 2013, s’interroge sur l’armement de la Séléka : « On peut quand même se poser des questions sur l’importance du matériel lourd qu’ils ont. Qui peut, pour une part, relever du pillage des arsenaux dans les villes conquises, mais qui semble avoir une autre origine, également »[133]. Selon un témoignage à Ndjaména, l’armée tchadienne avait aussi récupéré des armes et véhicules de rébellions tchadiennes du Darfour entre 2008 et 2011, lors de ralliements d’une partie des FSR, de l’UFCD, UFDD et UFDD fondamentale, les avait stockés, et, ces armes et véhicules-là auraient été mis à disposition de la Séléka, pour brouiller la traçabilité.

Côté français, selon la BBC, le 31 décembre 2012, « François Hollande a appelé à “l’ouverture d’un dialogue entre les autorités centrafricaines et toutes les parties en présence, notamment la rébellion”. Au cours de cet entretien téléphonique lundi après-midi, le président français a invité François Bozizé “à engager ce processus dans les meilleurs délais”. Menacé par l’avancée de la rébellion en Centrafrique, François Bozizé avait appelé en vain la semaine dernière l’aide de la France. Il avait demandé dimanche à rencontrer le président français. » Alors que, d’après RFI, « en 2006 et en 2007, l’armée française avait repoussé les rebelles de l’UFDR (Union des forces démocratiques pour le rassemblement) et repris l’aéroport de Birao au terme de bombardements meurtriers »[134], Bozizé a essuyé un refus de Paris de lui venir en aide, ce qui peut aussi s’expliquer par un nouveau positionnement de l’exécutif français en général pour ce type de demande, pour ne plus être accusé d’ingérence néocoloniale : « … intervenir dans les affaires intérieures d’un pays… Ce temps là est terminé ». Le 28 décembre 2012, sur i-télé, Elisabeth Guigou, présidente de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale française a indiqué[135] que Bozizé « avait formulé des promesses, notamment à son voisin tchadien (…) d’organiser une réconciliation nationale, de faire en sorte que toutes les forces politiques soient associées au pouvoir, ça n’a pas eu lieu… Il faut que les pays africains voisins se mettent d’accord pour obtenir une solution politique qui fasse en sorte que le calme revienne, qu’on donne à l’opposition certaines garanties et qu’effectivement M. Bozizé soit applique ses promesses, soit laisse la place. » Ce point de vue, faire pression sur Bozizé, est celui qui est aussi attribué à Déby à cette période.

2.3 Les ‘mercenaires’ des rébellions tchadiennes du Soudan dans la Séléka 

Les combattants tchadiens passent facilement d’une rébellion à une autre. Idriss Déby a réussi à s’imposer militairement après 2008 grâce à l’argent du pétrole depuis 2003, le pays a repoussé hors de ses frontières ses ennemis, un peu en Libye, un peu en Centrafrique, beaucoup au Soudan, au Darfour. Il a aussi réussi à faire accepter au niveau international sa stratégie, parce que la communauté internationale accepte de moins en moins les coups d’Etat et les rébellions, en étant encore complaisante avec les élections fraudées et la simulation de la démocratie par les dictatures. Les rébellions qui se maintiennent au Soudan depuis 2009 ont moins d’avenir, sont dans une impasse politique, autant que les démocrates au Tchad[136] en 2012-2013 victimes de la ‘réhabilitation’ de Déby. Certains chefs sont en exil en France, dont Mahamat Nouri, dirigeant de l’UFDD (Union des forces pour le développement et la démocratie), qui « a mené l’attaque sur Ndjamena en février 2008 »[137]. Des soldats inactifs étaient donc disponibles en 2012 au Soudan pour être recrutés.

Une grande partie des ‘mercenaires’[138] de la Séléka a été recrutée dans des rébellions tchadiennes au Soudan[139], et, en particulier, les spécialistes techniques qui manient les armes lourdes seraient des tchadiens du Soudan, venant de l’Union des Forces de la Résistance (UFR)[140], dont une partie du Front Uni pour le Changement (FUC), qui fait partie de l’UFDD qui est elle-même dans l’UFR. Le journaliste français Vincent Munié indique, lui, la présence en RCA « des rebelles Tchadiens du Colonel Aboud Moussa Mackaye (UFDD-Fondamentale), et de Janjawids Soudanais échappés du conflit au Darfour »[141]. Des sources tchadiennes indiquent que beaucoup de mercenaires seraient issus de l’Union des forces pour la démocratie et développement (UFDD) de Mahamat Nouri, et du Front populaire la résistance nationale (FPRN), d’Adoum Yacoub, 2 composantes de l’UFR dirigée depuis 2009 par Timan Erdimi, neveu de Déby exilé à Doha[142]. Roland Marchal y ajoute l’Union des forces pour le changement et la démocratie (UFCD) d’Adouma Hassaballah qui fait aussi partie de l’UFR. Un journaliste centrafricain évoque aussi aux côtés des éléments de la CPJP, la présence des mercenaires du général rebelle tchadien, Baba Laddé, chef du Front populaire pour le redressement (FPR), qui était présent en RCA entre 2008 et septembre 2012[143].

Selon le chercheur Roland Marchal[144], « Idriss Déby est conscient que parmi les gens de la Séléka se trouvent de nombreux combattants tchadiens, qui ont servi sous les ordres de Mahamat Nouri, Adouma Hassaballah et Adoum Yacoub Kougou et, pour l’essentiel, appar­tiennent à des groupes ouaddaïens[145]. De plus, anticipant une victoire militaire de la Séléka, de nombreux opposants tcha­diens dans les pays de la grande région s’agitent et parlent de reprendre la lutte armée avec cette fois ci la RCA comme sanctuaire. »

Il est très difficile de savoir quel est le lien, le niveau d’accord, entre ces ‘mercenaires’, des officiers présents en Centrafrique, et les leaders des rébellions. Le capitaine Ismail Moussa, chef du Front de Salut pour la République (FSR)[146], qui vit en Tunisie, s’est rendu en RCA en 2012, où il était sans troupes, puis le FSR a félicité la Séléka en mars 2013, sans être partie prenante[147]. Quelques hommes du FSR ont rejoint la Séléka et le FSR est aujourd’hui dispersé. Dans la majorité des cas, ce sont des mercenaires tchadiens qui sont arrivés sans leur chef restés au Soudan ou en exil. Comme la Séléka est divisée, il est par ailleurs difficile de connaître le poids de chaque chef de la Séléka, comme il est difficile de connaître le nombre de mercenaires venus de chaque entité du Soudan.

2.4 Composition de la Séléka après l’offensive et son gonflement en RCA 

Selon Human Right Watch enquêtant au printemps 2013[148], « L’origine nationale des troupes de la Séléka est une source de friction au sein de la RCA. La plupart des victimes et des témoins avec lesquels Human Rights Watch s’est entretenu ont déclaré que selon eux la majorité des membres de la Séléka venaient du Tchad ou du Soudan, principalement à cause du fait que la plupart des combattants de la Séléka ne semblent pas parler le sango, la langue la plus largement utilisée en RCA. Dans la quasi-totalité des récits d’attaques sur Bangui et les provinces, les victimes et les témoins ont déclaré que les membres de la Séléka s’exprimaient en arabe. Human Rights Watch a interrogé de nombreux combattants de la Séléka qui n’étaient pas en mesure de communiquer avec un traducteur parlant le sango. (Dans ces cas, les entretiens ont dû être menés en français avec un commandant de la Séléka, ou en arabe de base). Les troupes de la Force Multinationale des Etats d’Afrique Centrale (FOMAC) opérant à l’extérieur de Bangui ont confirmé à Human Rights Watch que les combattants de la Séléka étaient en majorité des Tchadiens ou des Soudanais. » Selon ICG[149] : « En plus des combattants originaires du Nord-Est, de nombreux soudanais, principalement originaires du Darfour, (44 Entretien de Crisis Group, membre de la CPJP, Bangui, 22 avril 2013) et tchadiens espérant jouir des retombées financières de la rébellion, ont rejoint la Seleka. (45 Entretien de Crisis Group, acteur humanitaire, Bangui, 26 janvier 2013.) »

Dès 2012, des centrafricains rejoignaient aussi la Séléka. Toujours selon ICG[150], « Un grand nombre d’anciens ‘libérateurs’, qui ont porté Bozizé au pouvoir en 2003, sont venus gonfler les rangs de la rébellion. Parmi eux, certains éléments de la garde présidentielle déclarent ouvertement avoir fait volte-face : « Bozizé nous promis de l’argent mais n’a pas tenu ses promesses donc nous avons décidé de nous retourner contre lui » (43 Entretien de Crisis Group, commandant militaire de la Seleka, Bossembélé, 11.4.13. Ce commandant précise qu’ils sont 60 à avoir quitté la garde présidentielle le 25 août 2012 pour s’opposer au président. Il a mené les premières attaques de la Seleka sous la dénomination de CPJP fondamentale en septembre 2012 à Sibut et Damara et est ensuite remonté au Nord du pays où il a attaqué Kabo le 19 décembre 2012 avec l’aide d’une cinquantaine de braconniers. Entretien de Crisis Group, acteur humanitaire, Bangui, 12.4.13). »

Quand de nombreux centrafricains ont rejoint la Séléka, avant et après mars 2013, tous les mercenaires n’ayant pas la même expérience militaire, il est probable que la perception de la Séléka comme tchadienne (avec des soudanais) pourrait avoir augmenté ou être restée en raison de la différence entre mercenaires tchadiens (et soudanais) expérimentés et mieux armés, et les jeunes recrues centrafricaines venues gagner un peu d’argent, hiérarchiquement inférieurs, capable de se disperser plus discrètement. Selon ICG[151] : « au fil de son parcours vers Bangui, la dynamique d’agrégation a fait son œuvre : ses rangs se sont étoffés avec des gens du centre du pays puis des jeunes de Bangui (un recrutement massif de jeunes a été effectué dans la capitale (46 « Nous savons qu’il y a toujours des recrutements au sein de la Seleka, ça n’est pas normal et nous allons lutter contre ça ». Entretien de Crisis Group, Noureddine Adam, vice-président de la Séléka, ministre de la Sécurité publique, de l’Immigration Emigration et de l’Ordre public, Bangui, 6.4.13.)). »

Selon le journaliste Thomas Hofnung[152] : « La progression jusqu’à Bangui des rebelles venus du Nord s’est en effet traduite par l’ouverture et la mise à sac de toutes les prisons du pays. Une grande partie des détenus en ont profité pour rejoindre les rangs de la Séléka ou ceux des coupeurs de route. » Selon un témoin centrafricain, en sortant de prison, certains ont commis des crimes de vengeance avant de se cacher dans la Séléka. Certains ont ensuite retourné leur veste et rejoint les anti-balaka.

La Séléka a recruté des enfants centrafricains selon ICG[153] : « l’enrôlement ne s’est pas limité aux adultes, de nombreux mineurs auraient gonflé les rangs du mouvement, comme l’ont rapporté plusieurs témoins et démontré les affrontements avec l’armée sud-africaine. (47. Entretien de Crisis Group, enseignant, Bria, 25.1.13. « Groupes rebelles et milices progouvernementales recrutent des enfants », RFI, 7.1 .13. « We were killing kids », Sunday Times, 30.3.13. « Child soldiers patrol CAR capital », News 24, 20.4.13 ; « UN : CAR groups still recruiting child soldiers », Voice of America, 12.4.13) ».

Dans un premier temps, si une partie des mercenaires a pu invoquer une motivation ‘djihadiste’, une ‘propagande’ a beaucoup exagéré cette dimension jusqu’à une rumeur « faisant de la Séléka, le cheval de Troie des islamistes soudanais »[154]. En juin 2013, pour ICG[155], « La Seleka est une coalition très hétérogène de combattants centrafricains et étrangers dont le seul point commun est d’être majoritairement musulmans. » Toujours selon ICG[156], « les avions militaires transportant des blessés de la Seleka dirigés vers Khartoum et Rabat, (121 Entretien de Crisis Group, expert militaire, Bangui, 20.4.13.) le déplacement de responsables centrafricains au Qatar et les inquiétudes exprimées par les voisins (Sud-Soudan, Ouganda, Congo-Brazzaville) quant à la montée des fondamentalistes religieux, viennent alimenter un climat de suspicion et de tensions confessionnelles dangereux aux plans interne et régional. (122 « Sassou s’inquiète du fondamentalisme en RCA », Lettre du Continent, no. 657, 17.4.13. Entretien de Crisis Group, diplomate, Paris, 30.4.13). »

Des pillages d’églises, d’écoles et d’hôpitaux chrétiens, des registres de naissances, par la Séléka[157], et des affrontements entre chrétiens ou animistes et musulmans ont eu lieu sans que l’on puisse parler au départ de conflit entre religions. Les ‘mercenaires’ arrivant étaient au départ éloignés des populations même musulmanes. Il est très improbable qu’une planification avec un objectif ‘religieux’ ait précédé, puisqu’il s’agissait d’abord d’un pillage chaotique de soldats mal encadrés accompagnés de destructions. Mais mis en relation avec le contexte géopolitique, cela a été interprété comme une forte menace de nature religieuse. La situation est devenue suffisamment confuse pour qu’ensuite, les violences augmentent et s’imprègnent de l’indentification aux religions, et que cela deviennent difficilement contrôlable fin 2013, dans un engrenage autour des pillages et des règlements de compte. En février 2014, en tournée commune en Europe, l’archevêque de Bangui, Dieudonné Nzapalainga, et l’imam de Bangui, Oumar Kobine Layama pour prôner la réconciliation. L’imam « rejette l’étiquette religieuse accolée à la guerre qui sévit dans son pays et accuse l’ancien président, François Bozizé, d’avoir posé les jalons de cette instrumentalisation de la religion. »A suivre

 

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