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Groupe de Reflexion et d'Action pour le Tchad
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                                             « Informer sans tabous et sans mensonges »

14 avril 2011 4 14 /04 /avril /2011 09:26

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L’âge minimum légal pour le recrutement volontaire est fixé à 18 ans, et celui de la conscription obligatoire, à 20 ans

« Mon père est âgé. À la maison, nous n’avions pas assez pour tous, donc j’ai voulu améliorer notre situation en m’enrôlant dans l’armée pour aider ma famille et ma mère [...] Au bout d’un an dans les rangs du FSR [Front pour le salut de la République], j’ai pris le commandement d’un groupe de 50 combattants. Peut-être m’ont-ils confié ce poste parce que je sais lire et écrire. J’ai dû ensuite rejoindre les forces gouvernementales lorsque notre commandant [...] a décidé de s’allier aux autorités tchadiennes ».

Mahamane, 13 ans, est l’un des dizaines de mineurs interrogés par Amnesty International dans le cadre de la rédaction d’un nouveau rapport et qui ont rejoint l’armée tchadienne ou les groupes d’opposition dans l’est du pays. Le rapport révèle que 80 pour cent des 7 000 à 10 000 enfants soldats recrutés au Tchad sont associés à des groupes armés et que les 20 pour cent restants font partie de l’armée tchadienne. Les estimations des Nations Unies indiquent par ailleurs qu’ils sont parfois utilisés comme combattants.

L’âge minimum légal pour le recrutement volontaire est fixé à 18 ans, et celui de la conscription obligatoire, à 20 ans.

« Certains ont été enlevés et recrutés de force. D’autres se sont enrôlés pour venger la mort de membres de leur famille ou le pillage du bétail, ou plus simplement pour échapper à la pauvreté et à l’absence de perspectives en matière d’éducation et d’emploi », indique le rapport. Selon Amnesty, les enfants seraient payés entre 10 000 et 250 000 francs CFA (entre 20 et 500 dollars) en une seule fois. Dans les camps de réfugiés et de personnes déplacées, les adolescents sans emploi qui viennent de terminer leurs études primaires sont les plus à risque. Dans les villages, ce sont les enfants issus de milieux pauvres ou qui ont des proches dans l’armée ou dans des groupes armés qui risquent le plus d’être recrutés. Dans certains cas, les recruteurs envoient dans les camps des enfants qui sont déjà dans leurs rangs avec des cigarettes, de l’argent ou de beaux vêtements pour persuader les autres enfants de s’enrôler.

Les principales raisons qui poussent les enfants à s’enrôler sont la pauvreté et l’absence de perspectives en matière d’éducation. Selon le rapport, l’est du Tchad est l’une des régions les plus pauvres du pays, « ce qui s’explique en grande partie par un environnement hostile, par des décennies d’indifférence de la part du gouvernement et, aujourd’hui, par le climat d’insécurité ». La loi tchadienne prévoit la gratuité de l’éducation primaire et secondaire pour tous les enfants (et la scolarisation obligatoire jusqu’à l’âge de 14 ans), mais la rareté des écoles et des enseignants dans la région offre très peu de perspectives à la majorité d’entre eux.

L’enrôlement constitue également un moyen pour les enfants d’échapper aux attaques des milices armées sur leurs villages. Selon certaines informations récoltées par Amnesty, des commandants de l’armée auraient appelé les Dadjo, qui vivent dans la région tchadienne du Dar Sila, à envoyer leurs enfants à l’armée afin de protéger leur communauté.


Christian Mukosa, chercheur pour le programme Afrique d’Amnesty International, a dit à IRIN que le recrutement des enfants n’était pas nouveau, mais qu’il n’y avait pas eu beaucoup de progrès au cours des dernières années. « En 2007, l’UNICEF [le Fonds des Nations Unies pour l’enfance] a évalué qu’entre 7 000 et 10 000 enfants étaient associés avec des groupes armés. En 2010, moins de 900 avaient été démobilisés, ce qui laisse supposer que des milliers d’enfants sont toujours entre les mains de leurs recruteurs. Les Nations Unies ont par ailleurs rapporté que 13 pour cent des enfants qui avaient été démobilisés en 2007 et 2008 faisaient partie de l’Armée nationale tchadienne [ANT] ».

Il est fort possible que la situation politique extrêmement instable dans l’est du pays, près de la frontière avec le Soudan, et le récent retrait des forces des Nations Unies demandé par le gouvernement tchadien en 2010 aient exacerbé le problème.

Non application des lois

 

En octobre 2007, le gouvernement tchadien a adopté un Programme national de retrait, prise en charge transitoire et réinsertion des enfants associés aux forces et groupes armés, mais les efforts déployés pour le mettre en œuvre ont été confrontés à des difficultés. Le pays est également partie à des accords internationaux, et notamment à la Charte africaine sur les droits et le bien-être de l’enfant et à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, qui stipule que les pays signataires doivent prendre des mesures pour s’assurer que les enfants de moins de 15 ans ne prennent pas part aux hostilités.

D’après le rapport d’Amnesty, « le manque de volonté des autorités politiques et militaires » constitue l’un des principaux obstacles à la mise en œuvre de ces engagements. Aucune poursuite n’a été engagée pour punir le recrutement d’enfants. Le rapport indique plutôt que « nombre des personnes soupçonnées d’avoir enrôlé des enfants se sont vu proposer des postes gouvernementaux importants, ce qui perpétue l’impunité au plus haut niveau de l’État ». En 2006, le gouvernement a signé avec le FUC (Front uni pour le changement démocratique) un accord de paix garantissant une amnistie générale à tous ses combattants et prévoyant la nomination de certains de ses membres au gouvernement.

Selon Rotta Dingamadji Carlos, directeur des études, de la législation et du contentieux au sein du Ministère des droits de l’homme et de la promotion des libertés, « l’amnistie accordée aux ex-rebelles est le prix que nous devons payer pour la réconciliation, et elle est nécessaire pour ramener la paix et la stabilité ». Il a ajouté que le pays était devenu le théâtre d’une guerre civile et d’agressions externes tout de suite après son indépendance, et que les conflits se poursuivaient jusqu’à ce jour.

Depuis 2003, l’est du Tchad est impliqué dans le conflit soudanais au Darfour et des milices soudanaises associées aux forces rebelles de l’est organisent des attaques contre les populations civiles du côté tchadien. Pendant cinq ans, le Tchad et le Soudan se sont fait la guerre par factions interposées. Si celle-ci s’est officiellement terminée en janvier 2010 avec la signature d’un accord de rapprochement, le gouvernement tchadien continue de se heurter aux forces rebelles dans l’est du pays.

M. Dingamadji Carlos est convaincu que l’insécurité chronique qui règne dans l’est du pays n’entravera pas les efforts du gouvernement pour respecter ses engagements. « Nous devons attendre jusqu’au mois de juin pour que la nouvelle loi soit votée et que le code de protection des enfants soit de nouveau appliqué. Le gouvernement a déjà soumis le projet de loi à la Cour suprême pour qu’elle vérifie sa constitutionnalité ». Il a ajouté que le gouvernement était en train d’élaborer un plan d’action en collaboration avec les Nations Unies afin contribuer à réintégrer les enfants qui ont été démobilisés des rangs des groupes armés et d’offrir un meilleur accès à l’éducation.

« Dans le cadre de sa politique sur l’éducation, le gouvernement a lancé un programme ambitieux de formation pour les enseignants de l’éducation élémentaire. Vingt pour cent du budget a été alloué à l’éducation », a-t-il ajouté.

Jusqu’à présent, les enfants démobilisés sont demeurés vulnérables à un nouvel enrôlement même après leur retour à la maison. Si des efforts à long terme tels que l’amélioration de la stabilité dans l’est du pays et la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant sont essentiels, M. Mukosa, d’Amnesty, estime que des ressources devraient également être allouées à l’adoption de mesures à court terme. « Il y a certaines choses que le gouvernement peut faire à court terme, comme construire des écoles, nommer des enseignants et créer des centres de formation et des centres pour les jeunes », a-t-il indiqué.

Madjiasra Nako

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