’’Divorcée et au chômage depuis un moment, je me suis tournée vers une église et cela m’a permis de trouver un travail et un nouveau partenaire’’, témoigne K.L, employée dans une banque à Ndjaména.
KL ne peut désormais prendre de décision sans en référer à son pasteur - qui est en même temps son « nouveau partenaire » - à qui elle donne une partie de ses revenus pour l’église. « Je lui dois tout, et l’argent que je verse tous les mois à l’église n’est rien », affirme-t-elle.
Comme M.L. , beaucoup de femmes tchadienne font confiance aux nouvelles églises qui promettent la vie éternelle, la paix du cœur, le bonheur, la fortune et bien d’autres choses. Mais, la plupart des femmes se font dépouiller de leurs biens par les responsables des sectes qui se font appeler pasteurs.
Selon M.T, le leader d’une secte met ses adeptes en condition pour faire passer son message. Il estime que les femmes sont plus nombreuses à fréquenter, de fois clandestinement les sectes au Tchad, et qu’elles en sont les principales victimes. Certaines vont régulièrement au Cameroun pour rencontrer les pasteurs des sectes.
« Plusieurs couples se sont séparés à cause de l’absence répétée de la femme qui préfère s’adonner à de longues séances de prière pendant la nuit plutôt que de s’occuper de son foyer », avoue Arnaud S.
« Certaines femmes tuent leur mari par envoutement ou par empoisonnement à cause ses secte » confie Jeanne F. G.
Au Tchad, la plupart des sectes évoluaient dans la clandestinité, avant 1990, sous le règne de Habré. Mais, à partir du déclenchement du processus démocratique dans le pays , on a assisté à une prolifération des sectes.
Le phénomène est en constante progression depuis une quinzaine d’années. Les églises poussent comme à chaque coin de la rue…. Et les fidèles ne manquent pas !
Les initiateurs des sectes ont su mettre à profit le marasme socio-économique pour appâter les gens. Très habile sur le plan psychologique pour interpréter la Bible, ils ont réussi à recruter des adeptes, souvent des femmes, qui ont des problèmes financiers, de famille et de travail.
Au sein de chaque secte, on se réclame de la Bible et de Jésus Christ. Chaque regroupement apporte des amendements à la doctrine de départ. « En général, les croyances ne sont pas affichées et c’est dans la pratique qu’il y a des dogmes », déclare un professeur de philosophie.
La plupart des sectes se développent à partir des quêtes et des cotisations des adeptes. « Notre pasteur fixait parfois la somme minimum à verser à l’église, à 10.000 francs CFA , témoigne Agnés Y. « Et comme moi, je n’en pouvais plus, j’ai abandonné », ajoute-t-elle.
Certains regroupements exercent des activités professionnelles. Ils exigent de leurs adeptes des produits qui sont revendus et dont les bénéfices rentrent directement dans les caisses des sectes.
Les sectes reçoivent également des dons de leurs adeptes qui estiment avoir eu satisfaction ou qui espèrent un miracle. « Dans notre église, les dons peuvent être de l’argent, une voiture ou terrain sur lequel on pourra construire une autre église ; tout dépend du donateur, et moi, je donnerai tout si j’en ai les moyens », confie Marie-Louise O. revendeuse au grand marché.
Les sectes développent des pratiques qui s’apparentent parfois aux cultures africaines ou qui constituent un mélange de pratiques ancestrales avec la religion chrétienne.
« Les gens en Afrique ont une conception magique de Dieu, je veux du travail, je veux me marier, je vais prier Dieu pour que Dieu me donne ce que je veux. Cette conception, les religions établies ne donnent pas cela à leurs fidèles et ce besoin de religiosité est compensé par les visions », explique Albert D.
Pour le prêtre catholique I.S., le manque de dynamisme de l’église romaine explique le succès des sectes. « Les sectes mélangent le terroir et le christianisme, et cela fascine ».
Les musulmans estiment que la multiplication des sectes n’est pas surprenante et selon un imam, le Coran avait prévu cette situation. « Le Coran nous a expliqué cette situation depuis très longtemps et c’est maintenant que les gens commencent à découvrir cela ».
Pour les adeptes des religions traditionnelles africaines, les sectes sont « démoniaques ». « Dans tous les coins et recoins du pays, c’est des sectes, c’est des gens qui ne veulent rien faire. Ces pasteurs escroquent la population et s’adonnent à de mauvaises pratiques, ils prennent les femmes d’autrui », déplore Daniel P.
« Ce sont de grands escrocs, ces pasteurs », dénonce Noêl S. un camerpunais. Il avoue avoir été escroquée, avec sa mère, par un pasteur. « C’est un jeune homme qui a monté une église dans notre quartier et il a réussi à nous emballer ; et après avoir pris de l’argent et des biens chez les fidèles, il est parti avec sa copine aux Etats-Unis » , affirme-t-elle.
Mais Pasteur KN., responsable d’une secte, n’est pas d’accord avec les accusations lancées contre les pasteurs. Selon lui, ces accusations font partie des manœuvres de certaines personnes déterminées à vilipender le travail des pasteurs. M. Meurdé avec Kokou T. IPS