"Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'au bout pour que vous puissiez le dire" Voltaire
Où en est l'Afrique avec son vieux projet de monnaie unique? Les gouverneurs des banques centrales du continent, réunis à Dakar au Sénégal en août dernier, ont discuté du sujet. C'était à l'occasion du symposium annuel de l'Association des banques centrales africaines, qui a la mission de faire aboutir ce projet sur lequel les parties concernées disent travailler, à leur rythme. A noter tout de même que l'Afrique pourrait avoir sa monnaie à l'horizon 2021. C’est à la faveur de la première réunion des Gouverneurs des Banques Centrales Africaines, tenue en Février 1965 à Addis Abeba, qu’est née l’Association des Banques Centrales Africaines, l’ABCA. Son objectif : favoriser la coopération dans les domaines monétaires, bancaires et financiers et envisager l’avènement d’une monnaie unique et d’une Banque Centrale Commune en Afrique. Un projet ambitieux sur lequel l’ABCA travaille de concert avec l’Union Africaine. Mais sur le terrain, rien de concret.
Philippe Henry Dacoury Tabley, Gouverneur de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest, BCEAO ne partage pas cet avis « Non, ce n’est pas qu’on ne voit rien de concret sur le terrain, ce n’est pas facile. L’Union Européenne est arrivée à ce niveau là en commençant le processus dès la fin de la 2ème Guerre Mondiale et ce n’est qu’en 1999 qu’elle y est parvenue. Donc c’est un processus de mutation qui prend son temps parce qu’il ne faut pas courir le risque d’échouer »
A leur réunion à Dakar, (Sénégal), le 20 Août dernier, les Banques Centrales Africaines ont décidé de donner un coup d’accélérateur au projet de monnaie unique. Un nouveau réveil, puisque depuis le 04 septembre 2002, l’ABCA avait déjà adopté à Alger, un programme de travail pour doter l’Afrique d’une monnaie et d’une Banque Centrale à l’horizon 2021.
Il ne reste donc qu’a travailler véritablement pour faire de cet ancien projet une réalité. C’est l’attente exprimée par certains acteurs de l’économie africaine.
Alassane Kouanda, Président de la Fédération Nationale des Petites et Moyennes Entreprises du Burkina Faso. Pour lui, l’heure n’est plus aux tergiversations « La monnaie unique, est une obligation pour nous. Quand vous prenez les différentes Unions Economiques telles la CEDEAO, avec des pays comme le Nigeria,où la monnaie est le Naïra, le Ghana, le Ceddi, le Libéria, la Sierra Leone et la Guinée, d’autres monnaies. Les échanges entre commerçants, opérateurs économiques ne sont pas facilitées. Même pour accompagner des programmes de facilitation d’investissement mis en place pour les hommes d’affaires, c’est difficile » .
Ce projet de mise en place n’emballe pas tout le monde cependant.
Tahirou Sy, homme d’affaires Malien, estime que l’on se trompe de priorités. La diversité des monnaies ne constitue pas un obstacle aux échanges entre pays africains « Nous sommes au Mali, nous achetons beaucoup maintenant avec la Tunisie, notre monnaie n’est pas un frein pour commercer avec ce pays qui a une façade maritime. Lorsque nous commandons un produit cela mets 3 fois plus de temps qu’une marchandise que nous importons d’Europe.»
Pour cet homme d’affaires, basé à Bamako (Mali), l’urgence en Afrique, c’est d’abord de constituer un marché intégré lequel requiert un développement des infrastructures du continent africain. Acheminer des marchandises du Zimbabwé au Mali, n’est pas évident. La première étape, c’est d’abord la communication entre les états, la seconde, l’intégration des différentes économies. Pour lui, même s’il y a une monnaie unique, sans le développement des moyens de communication, le résultat qu’on cherche, c'est-à-dire développer les échanges commerciaux entre les pays africains, ne sera pas au rendez vous.
Au niveau de l’Association des Banques Centrales Africaines, plus rien ne s’oppose à la création de la monnaie unique. La volonté politique dit on est là et les banques centrales au cœur de ce processus, s’y attellent.
Toutefois, il y a des préalables à satisfaire. Les systèmes économiques sont différents, les niveaux aussi, le droit qui régit les pays est différent. Il faut donc que tout cela soit pensé, harmonisé afin que nous arrivions à cette monnaie unique.
Philipe Henri Dacoury Tabley, Gouverneur de la BCEAO et Président pour les 12 prochains mois de l’ABCA « il y a des conditions a définir, a identifier et a réaliser, car il ne faut pas tergiverser, il ne faut pas jour avec cette matière qui est la monnaie. 2021, c’est encore une décennie de longue attente pour certains, pour d’autres, c’est le temps requis pour poser les fondements d’une banque centrale africaine solide qui aura la charge d’émettre la monnaie pour un marché qui sera constitué alors de plus d’un milliard de consommateurs. Un comité conjoint : Commission de l’Union Africaine – ABCA a été constitué à cet effet. Objectif intermédiaire, l’adoption par les sous régions d’un programme formel d’intégration monétaire à l’horizon 2015
BBC