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"Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'au bout pour que vous puissiez le dire" Voltaire

Comment Al-Qaeda devient une "franchise" au Maghreb

Alqaida

Avec le rapt de 7 salariés d'Areva au Niger, "Al-Qaeda au Maghreb islamique" (Aqmi) revient sur le devant de la scène, après l'exécution de l'humanitaire Michel Germaneau en avril dernier. Bien qu'elle revendique sa filiation avec l'organisation d'Oussama Ben Laden, cette nébuleuse sert avant tout des intérêts locaux.

En janvier 2007, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) algérien devient "Al-Qaeda au Maghreb islamique" (Aqmi). Changement de nom, changement de cible. Alors que le GSPC se démarquait du Groupe islamique (GIA) en pleine guerre civile, en élargissant sa lutte à l'international, il ne s'en prenait qu'aux Taghout, les représentants algériens.
Aujourd'hui, l'Aqmi vise à l'inverse les ressortissants étrangers sur "ses" terres maghrébines. Le mouvement est renversé, mais la mouvance islamique persiste. Elle signe l'acte de mort des mécréants qui ne se convertissent pas à l'islam sur les terres du Maghreb, en ralliant les groupuscules islamiques locaux et internationaux.

Message universel et "glocalisation"

Car les terroristes eux aussi se mettent à la "glocalisation", selon le terme de Victor Korewa, politologue et auteur de La Géopolitique d'Al-Qaida (Connaisances et savoirs, 2007). Ce mot barbare dénonce le paradoxe d'une globalisation ("glo") irrésistiblement exponentielle, qui dans le même temps exacerbe inéluctablement les particularismes locaux ("localisation"). "Al-Qaeda Iraq", "Al-Qaeda Yémen" : les "franchises" Al-Qaeda "glocalisées" ont pignon sur rue. Mais si l'Aqmi s'en revendique, en portant à un niveau régional le message universel du djihad, il ne sert pourtant que ses propres intérêts.

Peu importe les moyens (trafics de drogue, pillages, kidnappings, tortures, assassinats, attentats suicides contre des cibles militaires en Algérie), leur fin est sanctifiée par le djihad, dont l'épée tranche au vif de l'injustice post-coloniale. Avec la double mission d'instaurer un "califat planétaire" et de "pourfendre les croisés du coin", les terroristes d'Aqmi ont fait de la bande saharo-sahélienne leur zone d'opération privilégiée.

Une oumma fantasmée

Riche en ressources naturelles (uranium, pétrole, gaz), cette région désertique, farouchement défendue par les terroristes islamistes, suscite la convoitise des pays occidentaux. Pour lutter contre cette exploitation des sols, l'Aqmi a consolidé  5 "régions militaires" (du Sahel de la Mauritanie en passant par le Mali, le Niger, le Nigeria et le Tchad), qui font figure de terre promise pour les islamistes.

Si le djihad vise à convaincre les infidèles et les mécréants au sein de l'oumma - la communauté des fidèles musulmans réunie par-delà leurs nationalités -, celui que prône l'Aqmi se fonde sur une oumma fictive et fantasmée. Voire virtuelle : en 2009, l'Aqmi étendait son influence sur la Toile en lançant un site de propagande, "l'Institut Al-Andalous".

Cacophonie et "guerre totale"

A l'image du réseau tissé sur Internet, l'Aqmi regroupe des recrues d'horizons divers. Seul point commun des rebelles touaregs, de cultures toutes différentes : leur allégeance à Oussama Ben Laden. Bien que ce groupe insurrectionnel algérien revendique son affiliation à Al-Qaeda, aucun élément ne le prouve.

Derrière la main (invisible) de Ben Laden, opère un chimiste : Abdel Malek Droukdel. Condamné à contumace pour les attentats revendiqués du 11 avril 2007 à Alger, cet émir poursuit sa "guerre totale" du maquis. Mais depuis 2010, des rumeurs laissent entendre qu’il aurait été remplacé par Yazid M’Barek, alias Abou Youcef el-Annabi, qui préside le conseil des sages de l'Aqmi.

Des "djihadistes du Far West"

Dans cette cacophonie terroriste, difficile de compter les soldats. A sa naissance, le mouvement se disait fort d'un millier d’activistes, dont une poignée d'étrangers (Libyens, Mauritaniens, Nigériens et Maliens). Environ 400 d'entre eux sévissaient dans le Sahel, les autres dans des maquis au sud-est d'Alger.

Depuis juillet 2010, ils ne seraient pourtant plus que 300 membres, organisés en deux katibas, sorte de camps d'entraînement mobiles dont le fonctionnement imite le mode de vie des nomades bédouins. Mais au sein de ce nid, les fourmis ne marchent pas d'un seul corps : certains observateurs évoquent désormais des "bandits", des "djihadistes du Far West", qui ne combatteraient plus au nom d'un djihad "glocalisé", mais qui séviraient uniquement pour leur propre compte.

Camille Tassel

 

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