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Groupe de Reflexion et d'Action pour le Tchad
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18 novembre 2015 3 18 /11 /novembre /2015 03:35
Procès Habré : Un témoin raconte une tuerie avec 73 morts dans son village de Ngalo

Tous les moyens semblaient être bons, du temps du règne de Hissène Habré, pour dénicher les rebelles Codos qui s’opposaient à son régime. Des fouilles étaient fréquemment effectuées dans les coins et recoins du Tchad. Certains villages ont payé le plus lourd tribut à cette traque. C’est le cas de Ngalo. Soixante-treize (73) personnes avaient été exécutées dans ce village lors d’une descente des militaires sur les lieux, a raconté hier un témoin à la barre de la Chambre africaine extraordinaire d’assises.

S’il n’avait pas suivi sa femme, il ne serait peut-être pas hier à la barre de la Chambre d’assises des Chambres africaines extraordinaires (Cae) pour témoigner. C’est grâce au conseil avisé de sa douce moitié que le citoyen tchadien Dimingaye Halta a réussi à s’échapper à la tuerie perpétrée dans son village par des militaires. Les faits remontent au 25 juillet 1985.

Ce jour-là, aux environs de 14h, des militaires ont fait une descente à pied au village de Ngalo. Selon le témoin, les soldats avaient laissé leurs véhicules à quelques mètres de la bourgade. A l’entrée du village, poursuit Dimingaye Halta, aujourd’hui enseignant, les hommes de tenue ont croisé un paysan qui partait aux champs. Ils lui ont sommé l’ordre de s’arrêter mais l’homme n’a pas voulu obtempérer. C’est ainsi que les militaires ont ouvert le feu sur lui mais ne l’ont pas atteint. Ce sont ces tirs qui ont alerté les villageois sur la présence des soldats dans leur village. « En entendant ces coups de feu, mon épouse m’a demandé d’aller me cacher parce que généralement les militaires ne font pas de mal aux femmes. J’ai d’abord refusé avant de suivre son conseil. C’est comme cela que je suis allé me refugier au fond d’un puits qui n’était plus fonctionnel et qui servait de dépotoir d’ordures », explique Dimingaye Halta.

Le témoin relève que lorsque les soldats sont arrivés à son domicile, ils ont fouillé partout mais n’ont pas vu son ombre. Le reste de l’histoire lui est racontée par son frère. Il l’a vécu depuis le fond de son trou. Selon ses dires, une fois dans le village, les militaires ont rassemblé tous les villageois sous un manguier, à l’exception des femmes. Ensuite, ils ont procédé à une sélection par trois personnes qu’ils conduisaient en dehors du village pour les fusiller.

« Après cette fusillade, les soldats ont tourné le dos au village pour aller reprendre leurs véhicules. Mais en partant, certains ont jeté un œil par derrière et ont constaté que tout le monde n’était pas mort. Des victimes essayaient de se relever pour s’enfuir vers le village. Ainsi, les militaires sont revenus sur le lieu du crime pour les achever et les brûler avant de repartir », relate le témoin. A l’en croire, ce jour, 73 personnes ont été tuées dans le village.

Pour Dimingaye Halta, les militaires pensaient que Ngalo a été le bastion des rebelles Codos. « Après cette tuerie, c’est nous qui avions procédé à l’enterrement des morts avec l’aide de certains habitants des villages voisins. Nous avions creusé des fosses communes où nous mettions par quatre. Après l’enterrement, nous avions abandonné provisoirement le village pour aller nous cacher en brousse », déclare M. Halta. Il précise que les militaires avaient aussi pillé tous les biens du village et brûlé quelques cases.

Une mauvaise alimentation dans les prisons

Une semaine après ces exactions, raconte le témoin, le commandant de la zone est venu au village avec deux de ses hommes. Il avait aussi avec lui deux personnes en civil pour leur dire qu’il était porteur d’un message du président Hissène Habré. Le message, note-le témoin, consistait à leur faire croire que les militaires qui ont commis ce massacre ont agi en leur nom propre mais ils n’ont jamais été envoyés par le président tchadien.

« Pour nous prouver cela, il a donné l’ordre à ses hommes d’exécuter ces deux hommes en civil devant nous. Il nous avait dit que ce sont ces deux hommes qui sont responsables de cette tuerie. Mais nous n’avons pas cru à ses dires », précise le témoin.

L’histoire de Younouss Mahadjir, le témoin qui a succédé à Dimingaye Halta à la barre de la Chambre d’assises, est tout autre. Ce médecin a été arrêté le 18 août 1985 pour une affaire de tracts que lui et son groupe utilisaient « pour dénoncer la mauvaise gouvernance » du régime de Hissène Habré. Il a passé près de quatre mois en détention. L’actuel président du Syndicat de la santé et de l’action sociale du Tchad a reconnu devant la Chambre avoir réfléchi sur la situation politique dans son pays à une époque où « il ne fallait pas avoir une vision contraire » à celle de l’ancien homme fort de Ndjamena.

Le témoin révèle aussi avoir été arrêté à l’époque du Président Maloum pour les mêmes motifs. Sauf que les conditions de détention sont carrément différentes. « Au temps du Président Maloum, je recevais l’alimentation de ma maison en prison. La famille venait souvent me rendre visite. Mais dans les prisons sous le règne de Hissène Habré, l’alimentation était non seulement insuffisante, mais elle était aussi de très mauvaise qualité. J’avais perdu 30 kg de mon poids. Aussi, personne ne savait où étaient les personnes arrêtées », compare le médecin. Il déclare avoir subi des tortures à la Piscine où il a fait quelques jours avant de rejoindre la prison de la Gendarmerie. Pour lui, les Tchadiens ont souffert dans leurs âmes et chairs lors du règne de Hissène Habré. Le soleil

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