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Groupe de Reflexion et d'Action pour le Tchad
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23 février 2016 2 23 /02 /février /2016 11:18
Tchad : quand un viol devient une affaire d'Etat

Les manifestations de protestation se succèdent après le viol d'une jeune fille de 17 ans dont les auteurs seraient des enfants de généraux. L'affaire devient politique, le pouvoir d'Idriss Déby est contesté.

Ce qui n’était qu’un fait divers odieux est-il en train de fendiller le pouvoir autoritaire d’Idriss Déby, depuis vingt-six ans à la tête du Tchad et qui briguera, courant avril, un cinquième mandat ?

En tout cas, un mouvement de contestation enfle partout dans le pays. Celui-ci a débuté le 15 février, lorsque plusieurs centaines de jeunes ont manifesté à N’Djamena après le viol en réunion de Zouhoura, une lycéenne de 17 ans, commis le 13 février. Les cinq violeurs présumés, dont trois enfants de généraux, qui avaient posté sur les réseaux sociaux des photos de la jeune fille nue et en larmes, ont été depuis arrêtés mais la colère a mis les jeunes Tchadiens dans une rage terrible contre le pouvoir. Quatre complices présumés, dont un fils du ministre des Affaires étrangères, ont également été arrêtés.

La semaine dernière, un des protestataires, Abbachou Hassan Ousmane, 17 ans, a été tué par balle par la police pendant la dispersion. Lundi, ce sont les lycéens de Faya Largeau, dans l’extrême nord, qui ont manifesté : un d’eux a été tué par balle et cinq blessés par des militaires qui les ont dispersés, selon une source hospitalière.

«Mécontentement contre l’acte abject»

Le mouvement de contestation des lycéens s’est propagé dans d’autres villes, notamment à Moundou, capitale économique et deuxième ville du pays. Dix-sept lycéens ont été arrêtés pour avoir manifesté vendredi à Massaguet. Ces derniers étaient toujours détenus lundi, selon la Convention tchadienne pour la défense des droits de l’homme (CTDDH), qui se montre «préoccupée par l’arrestation gratuite et arbitraire de 17 élèves ayant manifesté leur mécontentement contre l’acte abject posé par les rejetons des hauts responsables du pouvoir et l’assassinat du jeune Abbachou».

Face à cette vague de protestation, le régime sécuritaire et parano de Deby Itno a coupé l’accès à Facebook. A l’approche de la présidentielle du 10 avril, la société civile a aussitôt embrayé pour demander le départ du chef de l’Etat, en lançant vendredi la plateforme «Ça suffit». Lundi soir, le ministère de la Sécurité a pris un arrêté interdisant une manifestation de l’opposition politique dans N’Djamena, prévue en matinée ce mardi. Saleh Kebzabo, 68 ans, qui sera candidat à la présidentielle, a expliqué ce matin à Libération : «Il y a plus de forces de l’ordre que de manifestants. Je ne peux pas sortir de chez moi tellement il y a de policiers… Le pouvoir a mis des moyens considérables pour interdire… une marche pacifique.» Il rappelle que ce fait divers «est l’expression de l’impunité totale qui prévaut dans ce pays».

Pour la coordinatrice France-Tchad-Centrafrique à Amnesty International, Delphine Lecoutre, «la société civile, en particulier les femmes et les jeunes, se sont emparés de l’affaire Zouhoura pour la transformer en revendication politique». Pour elle, «cela s’inscrit dans un contexte pré-électoral avec de fortes tensions sociales. Le viol est au Tchad une arme pour anéantir les femmes. Les femmes tchadiennes réclament leur droit au respect et à la dignité. Elles se sont [emparées], avec les jeunes, de l’affaire Zahoura pour faire entendre leur voix par tous les moyens et pour exprimer les revendications du reste de la société».

Amnesty France s’est lancé dans une campagne «dans le cadre des processus électoraux en Afrique en 2016-2017», afin de dénoncer les atteintes à la liberté de rassemblement. L’ONG se montre inquiète d’une compression des libertés d’expression au Tchad alors que les forces de sécurité ont battu et maltraité des manifestants pacifiques placés en détention. Côté Quai d’Orsay, rien de nouveau, sinon ce «silence assourdissant» de la France, selon l’expression des défenseurs de droits humains. Libération

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