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Groupe de Reflexion et d'Action pour le Tchad
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21 juin 2014 6 21 /06 /juin /2014 11:13

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Encore largement répandue sur le continent africain, l’excision met en danger chaque année la vie et la santé de milliers de femmes et des jeunes filles en âge de procréer. L'association « Développement et Santé » vient de publier, en partenariat avec le collectif « Excision, parlons-en !»,

 Créé début 2013, le collectif « Excision, parlons-en ! » permet à des associations et Ong francophones de partager leurs informations sur l’excision et de mieux faire connaître le sujet à travers l'organisation de conférences. A la suite d’un colloque organisé le 6 février 2014 à Paris, l’association « Développement et Santé » qui forme des professionnels du monde médical notamment en Afrique a rédigé un bulletin spécial sur l’excision qui vient de paraître.

Un recul différent selon les pays

Cette étude examine tous les aspects liés à cette pratique encore largement répandue notamment en Afrique sub-saharienne, depuis la prévention jusqu’à la chirurgie réparatrice. Tour à tour, des spécialistes africains et européens présentent les caractéristiques épidémiologiques, médicales, religieuses ou communautaires de l’excision. Mondafrique présente les points importants de ce document. Le bulletin complet est téléchargeable sur le site de « Développement et Santé » à l'adresse suivante : http://devsante.org/numeros/numero-205

Selon l'UNICEF, près de 125 millions de filles et de femmes en vie en Afrique ont été victime d’une mutilation génitale féminine. Liée à l’appartenance ethnique, l’excision est le plus souvent justifiée par des raisons d'acceptation sociale. Les données épidémiologiques montrent une baisse continue de cette pratique en Afrique, avec toutefois des tendances différenciées selon les pays. L’accès à des données de plus en plus précises facilitant les évaluations et la mise en œuvre de stratégies plus efficaces explique en partie ce recul.

Toujours selon l'UNICEF, cette pratique a commencé à reculer dans de nombreux pays africains il y a près de quarante ou cinquante ans. D’autres, ont connu une première baisse il y a seulement une vingtaine d'années. Ainsi, des reculs significatifs ont été enregistrés pour le Togo, le Burkina Faso, l'Ethiopie, le Kenya, la Tanzanie, le Bénin, le Libéria, le Nigéria. En revanche, il semblerait que les progrès soient pour le moment encore peu significatifs pour Djibouti, la Gambie, la Guinée Bissau, le Mali, le Sénégal, la Somalie, le Soudan, le Tchad et le Yémen.

Des ravages sur la santé

En Afrique chaque année, près de 3 millions de jeunes filles sont exposées à des risques parfois mortels dus à l’excision. De nombreuses études scientifiques mettent aujourd’hui clairement en évidence les conséquences très négatives de cette pratique sur la santé des jeunes filles, des futures mères, de leurs enfants et plus généralement sur la famille, du fait de la transmission potentielle de maladies infectieuses.

On compte parmi les principales conséquences identifiées :

 - Les conséquences médicales immédiates : douleurs violentes, hémorragies, troubles de la miction et de l’exonération en raison de l’œdème, douleurs, infections 

 - Les conséquences médicales à long terme : les kystes dermoïdes et les abcès, les infections pelviennes chroniques, responsables de douleurs chroniques, et les infections urinaires à répétition 

 - Des études suggèrent également que les Mutilations génitales féminines pourraient augmenter le risque d'infection par le VIH. Le risque d'augmentation de la stérilité est également suspecté, en raison soit d’infections, soit de troubles psychologiques.

 - Plusieurs études réalisées par l'OMS dans plusieurs pays ont montré que les risques de complications obstétricales sont également plus significatifs pour les mères ayant subi une mutilation génitale : davantage de césariennes, d'enfants morts-nés ou de décès néonatal précoce, surmortalité des femmes qui accouchent, etc...

 - Les conséquences psychologiques : syndrome de stress post-traumatique, dépression, anxiété.

Une étude a montré que 80 % des femmes victimes d’excision avaient des flash back, 58 % un trouble affectif, 38 % des troubles anxieux autres et 30 % un stress post-traumatique.

Malgré la présence de spécialistes formés à certaines techniques réparatrices en Afrique, il reste extrêmement difficile d’effacer l'ensemble des dommages décrits plus haut.

La société civile sur le pont

Ces conclusions mettent en évidence la nécessité de mettre une information claire et détaillée à disposition des professionnels de santé et du grand public en Afrique. En tout premier lieu, bien entendu, il s’agit de sensibiliser le corps médical qui, confronté de manière directe aux conséquences de l'excision, a pour rôle de prévenir les familles sur la dangerosité de cette pratique.

Le SIDIIEF (Secrétariat International des Infirmières et Infirmiers de l'Espace Francophone) a par exemple émis en 2013 une prise de position claire et ferme pour demander l'abandon de l'excision et exigeant des praticiens qu'ils ne médicalisent surtout pas la pratique. Les membres du réseau SIDIIEF en Afrique ont aussi travaillé sur la prise en charge des femmes victimes d’excision. Le Comité Inter-Africain sur les pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des enfants (CI-AF) a également mis en place une stratégie contre la médicalisation de l'excision.

A côté des professionnels de santé, les associations ont un rôle très important à jouer dans la prévention et pour faciliter l'abandon collectif de l'excision. L’association GAMS qui lutte contre les violences faites aux femmes en France a été un précurseur dans la prise de conscience de la problématique depuis plus de trente ans et a fortement agi pour des synergies européennes et africaines. Enfin, l'ONG américaine Tostan, basée au Sénégal et présente dans huit pays africains a obtenu d’importants succès dans l'abandon collectif par des communautés entières. Le travail de terrain de nombreuses ONG, en coordination avec les autorités nationales et l'appui de l'UNICEF, a renforcé la sensibilisation auprès des populations et permis d'affiner les stratégies suite à des évaluations de programmes.

Enfin, si la pratique de l'excision reste considérée comme une coutume ancienne et traditionnelle, les acteurs religieux peuvent aussi jouer un rôle positif pour en accélérer l'abandon. Ainsi, la prestigieuse université égyptienne Al-Azhar, extrêmement renommée dans le monde sunnite, recommande l'abandon total de l’excision sur la base d'une interprétation des principaux textes religieux de l'Islam. Les enseignants expliquent notamment que l’excision n'est pas une recommandation islamique et que ses conséquences néfastes pour la santé en font une pratique indésirable.

Dr Béatrice Cuzin, Chirurgien, urologue, sexologue, Membre de la Commission Santé d'Excision, parlons-en (www.excisionparlonsen.org)

 

Bertrand Livinec, Membre de la revue médicale Développement et Santé (www.devsante.org)

 

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