Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Groupe de Reflexion et d'Action pour le Tchad
"Un blog Indépendant qui va au délà de l'actualité"

Tel: 00221 77 545 27 63/ kodjeteke@yahoo.fr /grattchad@yahoo.fr

                                             « Informer sans tabous et sans mensonges »

22 mars 2010 1 22 /03 /mars /2010 09:39

Glles Desesquelles, ambassadeur, chef de la Délégation de l’Union Européenne (UE) au Tchad : l’impunité est le cancer du Tchad

Glles Desesquelles, ambassadeur, chef de la Délégation de l’Union Européenne (UE) au Tchad s’est entretenu avec Tchad et Culture. L’implication de son institution dans le processus démocratique en cours au Tchad, la coopération UE-Tchad, les Accords de Partenariat Economiques (APE), ont constitué, entre autres, le menu de cet entretien.

Quelle est l’enveloppe globale que l’UE consacre au Tchad ?

Le Tchad reçoit globalement au titre du 10ème FED (Fonds européen de développement) qui va de 2007 à 2013, plus de 200 milliards de FCFA. A cela s’ajoute 30 millions € par an pour l’aide d’urgence à l’est du Tchad en faveur des refugiés et déplacés. Ensuite on a des lignes budgétaires dans l’ordre de 10 millions € par an, qui relèvent du budget de la Commission européenne. L’instrument de stabilité est l’une de ces lignes et il a servi par exemple à financer une partie du Recensement général de la Population et de l’Habitat (RGPH2), une partie du Détachement Intégré de Sécurité (DIS). Au total, l’UE décaisse en moyenne par an 65 milliards FCFA.


Excellence, quelle est l’architecture de votre coopération avec le Tchad ?

Le principal instrument de la coopération entre le Tchad et l’Union européenne est le FED qui a deux axes principaux. Un axe sur la bonne gouvernance chiffré à 60 milliards FCFA). Le deuxième axe sur la croissance et le développement rural fait à peu près 130 milliards FCFA. En matière de Bonne Gouvernance, et dans la ligne des dispositions qui sont énumérées au chapitre 4 de l’Accord politique relatif à l’environnement général des élections, la coopération Tchad-Union européenne intervient principalement, sur la réforme de la justice, en mettant un accent particulier sur les recommandations des états généraux de la justice. C’est un programme de 35 millions d’euros dont 25 millions sur le FED et 10 millions de l’Etat tchadien au titre des ressources pétrolières. La construction des infrastructures (judiciaires et pénitentiaires), la modernisation du droit, la formation des magistrats et auxiliaires de justice, la mise en place d’un corps de gardiens de prisons etc., sont concernées.


Pouvez-vous revenir sur les autres projets de l’axe de la bonne gouvernance ?

Le programme de réforme des forces de sécurité, en plus du DIS vise à mettre en place une gendarmerie, une police et une garde nomade professionnelles, au service du citoyen et non contre le citoyen. C’est un projet de 32,5 millions € dont 28 millions de l’UE et 4,5 de contrepartie financière. Il démarrera d’ici la fin de l’année 2010. Il couvre beaucoup d’activités de formations et de promotion de la déontologie. Il permettra également de contribuer à la réhabilitation de bâtiments. C’est un complément pour améliorer la gouvernance et réduire l’impunité. C’est un défi parce que l’impunité est le cancer de ce pays. D’autre part, l’Union européenne poursuit son soutien à la Réforme des Finances Publiques, en coordination avec les autres bailleurs impliqués dans ce domaine. Beaucoup d’experts (FMI, BM…) estiment que le circuit de la dépense n’est pas garanti et qu’il y a des efforts importants à réaliser. Un appui à l’Assemblée nationale, à la décentralisation, à la réforme du fichier d’état civil (pour intégrer des données biométriques dans le fichier) est également prévu. Ces actions devraient contribuer à promouvoir la bonne gouvernance centrale et locale.


Le fichier biométrique n’est pas totalement enterré…

Non. L’inclusion de données biométriques dans le registre de l’état civil demeure une priorité des autorités tchadiennes. Il n’était pas possible d’engager cette réforme avant les futures élections législatives car une telle décision aurait contribué à reporter les élections législatives prochaines du 28 novembre 2010 à l’horizon de 3 à 4 ans. La classe politique tchadienne dans son ensemble a souhaité des élections le plus tôt possible car c’est depuis 2002 que l’actuelle Assemblée nationale est aux affaires.


Les résultats du RGPH2 ont été controversés. Quel est votre avis sur la question ?

Il faut reconnaître que le RGPH2 permet de cerner le nombre des électeurs tchadiens, ce qui devrait éviter les plus grandes irrégularités. Avec ce dénombrement qui est globalement positif, même s’il y a des critiques, nous estimons que c’est une avancée sur le chiffre réel de la population qui est maintenant de 11,3 millions. Ces données correspondent aux projections des experts démographes indépendants des Nations unies comme de l’Union européenne. En Afrique, la plus grosse fraude de la plupart des élections est le gonflement ou la sous estimation des listes électorales.


Il n’y a donc pas d’inquiétudes pour les futures élections au Tchad ?

Les risques de fraudes seront limités car on connaît le nombre de la population et le nombre d’électeurs possibles. Il est douteux que l’on assiste à des gonflements massifs des listes sans que les observateurs nationaux et la classe politique tchadienne ne s’en aperçoive. Aucune élection ne peut être parfaite, ni au Tchad ni dans aucun pays du monde. L’essentiel est de parvenir à des élections les plus transparentes et les meilleures possibles. Pour ce faire, l’ensemble de la classe politique tchadienne doit exercer ses responsabilités. Il faut d’ores et déjà souligner des avancées majeures : la CENI, de par son statut, n’est pas sous la tutelle du ministère de l’Administration du territoire ; le cadre législatif des élections présente d’importantes garanties que les femmes et les hommes de bonne volonté peuvent et doivent exploiter.


Et qu’en est-il de l’axe de la croissance et du développement rural ?

80 millions € sont consacrés à l’accès à l’eau potable. Nous envisageons, avec le gouvernement tchadien, d’atteindre l’Objectif du Millénaire dans le volet eau. Je puis vous assurer qu’on y arrivera. A la fin des années 90, l’accès de la population à l’eau potable n’était que de 25%. Actuellement, on est à 40%. En fin 2015 on atteindra 65%, ce qui est un des taux les plus performants en Afrique.


Quelle est votre perception de la société civile tchadienne ?

La société civile est un groupe de pression qui a son mot à dire. Au moyen âge, c’était l’intermédiaire entre le prince et le marché. Elle doit jouer ce rôle en évitant l’extrémisme et être constructive. Cependant, la frontière entre la société civile et la politique est très perméable. Quelquefois, les politiques n’écoutent pas toujours les besoins des populations ; pour cela les Organisations de la Société Civile (OSC) ont un rôle indispensable. Nous avons un programme de 30 millions d’euros pour le développement local que nous allons lancer en mars prochain et faire des appels à proposition auprès des acteurs non étatiques tchadiens. Malheureusement, souvent, ils ne sont pas préparés. On constate aussi qu’il y a des apparatchiks de la société civile.


Qu’entendez-vous par apparatchiks ?

Dans beaucoup de structures de la société civile, il y a des détournements. La transparence financière n’y est pas et il y a un problème de structuration. Il y a un réel besoin de renforcement de capacité, de mise en réseau. Certains sont tentés par les démons de l’ individualisme et du profit personnel.


Certaines OSC se plaignent de n’avoir pas été associées à la mise en œuvre de l’Accord du 13 août 2007.

Dire cela, ce n’est pas responsable. Le Comité de Suivi a fait des efforts de communication importants et a cherché à associer la société civile lorsque ses compétences étaient requises pour le bien du processus démocratique. En ce qui concerne l’Union européenne, 330 millions FCFA ont été alloués pour l’observation nationale des élections par les OSC à côté de l’observation internationale. Des formations sur des thématiques porteuses sont en cours. A travers les lignes budgétaires, nous avons financé la Cellule de Liaison des associations féminines (CELIAF) qui se chargera du projet sur l’éducation citoyenne. Ces actions seront bientôt complétées par d’autres financements européens et des appuis multiples d’autres bailleurs de fonds.


Quelle est la nouvelle approche qu’adopte l’UE vis-à-vis des OSC ?

A travers nos programmes de développement local nous comptons appuyer de plus en plus les acteurs non étatiques tchadiens, surtout les associations des communautés paysannes, les comités de gestion de l’eau, etc. Dans le cadre du programme de la réforme de la justice, 6 millions € sont consacrés aux associations de défense des Droits Humains. Nous n’aiderons pas à la création d’une structure faîtière mais, nous allons aider les OSC à travers nos différents programmes à être des véritables acteurs des projets de développement.


L’UE vient de supprimer les derniers quotas sur les produits provenant des pays Afrique Caraïbes Pacifique. Quelle est la portée d’une telle mesure ?

Pour les pays producteurs de canne à sucre comme les Caraïbes, le Togo, cela leur permettrait d’exporter sans limite de quotas. Désormais, le sucre mauricien, dominicain ou tchadien (s’il est exporté vers l’Europe), peut entrer dans l’espace européen, à droit zéro. Idem pour le riz qui est un produit sensible. A l’époque de l’Europe des 12, seules l’Italie et la France produisaient du riz. Pour les protéger de la concurrence, des quotas ont été imposés sur ce produit à l’égard des autres pays hors Union européenne. Le riz vietnamien par exemple, arrivait à des prix dérisoires sur le marché européen mais des quotas restreignaient leur quantité.


Excellence, comment voyez-vous le Tchad dans deux ans ?

Je souhaite que la mise en œuvre de l’Accord du 13 août réussisse pour qu’on parvienne à des élections acceptables par tous. Si parallèlement l’accord entre le Tchad et le Soudan se consolide, et qu’il n’y a plus d’attaques des rebelles, il y aura une avancée vers une stabilité et vers le développement. Si au même moment, les programmes de bonne gouvernance, de justice, de réforme des forces de sécurité, de décentralisation avancent et qu’aux élections locales, l’opposition entre dans le jeu institutionnel en remportant des victoires électorales dans certaines villes, je dirai que le bocal qui était à moitié plein se remplit petit à petit et que dans les deux prochaines années la situation sera globalement positive.


Interview réalisée par Frédéric Ndjénodji Mbaïdedji

Partager cet article
Repost0

commentaires