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Groupe de Reflexion et d'Action pour le Tchad
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                                             « Informer sans tabous et sans mensonges »

27 mars 2010 6 27 /03 /mars /2010 12:10

La zone franc englobe donc aujourd’hui quinze pays : huit pays d’Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina-Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo), six pays d’Afrique centrale (Cameroun, République Centrafricaine, Congo-Brazzaville, Gabon, Guinée Equatoriale, Tchad) et les Comores. C’est une organisation financière, monétaire et économique, dont le cœur est la France et l’instrument principal le franc CFA. Cette organisation, gérée par la France, s’appuie sur des institutions africaines : la Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO), la Banque des Etats d’Afrique Centrale (BEAC), la Banque Centrale des Comores (BCC).

Le système franc CFA est basé sur quatre grands principes : la centralisation des réserves de change au Trésor public français, la fixité de la parité franc CFA/euro, la libre convertibilité du franc CFA à l’euro, et la libre circulation des capitaux entre la France et les pays africains de la zone franc. A ces principes s’ajoutent la participation française aux instances de direction des banques centrales africaines, pièce maîtresse du système CFA puisqu’elle garantit l’application sans faille des quatre principes précédemment cités.

La centralisation des réserves de changes : un principe qui bloque l’économie des pays de la zone franc

Chaque banque centrale de la zone franc possède un compte d’opérations au Trésor public français et doit y déposer une partie de ses réserves de monnaie. Depuis 2005, 50% des réserves de change doivent être stockées sur le compte d’opérations en France (jusqu’en 2005 ce pourcentage était de 65). Il y a donc actuellement environ 8000 milliards de francs CFA venant de la BCEAO et la BEAC stockés au Trésor public, soit plus de 12 milliards d’euros. C’est autant d’argent qui est amputé du budget des États de la zone franc. La France rémunère les banques centrales africaines en intérêts, tout en se servant au passage grâce à des placements privés (des sommes dégagées au profit de la France qui se comptent en centaines de millions d’euros). Pire, la part d’intérêts versée aux banques centrales est comptabilisée dans l’Aide Publique au Développement ! Dépouillés de la moitié de leurs recettes, les pays africains de la zone franc se retrouvent ainsi dans une situation économique et sociale très difficile, d’autant plus que la France leur impose une rigueur budgétaire (c’est-à-dire une baisse des dépenses publiques) pour que l’approvisionnement du compte d’opérations soit garanti.

La parité fixe franc CFA-euro : une entrave à la compétitivité des économies africaines dans le monde

Hier lié au franc français, le franc CFA est aujourd’hui arrimé à l’euro, c’est-à-dire que la valeur du franc CFA sur les marchés mondiaux dépend de celle de l’euro. Autrement dit, les pays africains de la zone franc n’ont pas le contrôle de leur politique de change et subissent les fluctuations du cours de la monnaie unique européenne. Les recettes de leurs exportations doivent être converties en euro avant de l’être en franc CFA, ce qui signifie que si la conversion entre l’euro et les monnaies étrangères fluctue, les recettes des pays africains de la zone franc fluctuent également. Actuellement la valeur de l’euro se renforce par rapport aux monnaies étrangères. Par conséquent, la compétitivité des pays de la zone euro, et donc de la zone franc, diminue par rapport au reste du monde. Une baisse de la compétitivité signifiant une plus grande difficulté à vendre ses produits sur le marché mondial, les conséquences pour les pays africains de la zone franc d’un arrimage à une monnaie forte comme l’euro sont considérables : les économies restent faibles, et les population se paupérisent car les matières premières qu’elles produisent ne peuvent ni être exportées ni être transformées.

La libre convertibilité franc CFA/ euro et la libre circulation des capitaux ou comment légaliser la fuite des capitaux

La libre convertibilité s’applique des pays africains de la zone franc à la France et inversement, mais ne concerne pas les échanges entre les trois zones du système CFA. Ce principe facilite les investissements français en Afrique, le rapatriement des capitaux, et l’importation par la France de matières premières, mais bloque les échanges inter-africains.

Les principes de libre convertibilité et libre circulation des capitaux favorisent également la fuite des capitaux de l’Afrique vers la France. Les entreprises françaises installées dans les pays africains de la zone franc peuvent rapatrier librement leurs liquidités vers la France et les transferts d’argent entre la France et l’Afrique s’opèrent sans entraves au profit des élites françafricaines.

La participation française à la gestion des banques centrales africaines

Dans les trois banques centrales de la zone franc, des administrateurs français siègent aux Conseils d’Administration (CA). Dans les faits, la présence d’administrateurs français garantie par les statuts des banques centrales confère à la France un droit de veto lors de la prise de décision. Au CA de la BCC, 4 administrateurs sur 8 sont français alors que les décisions doivent être votées à la majorité. A la BCEAO seuls 2 administrateurs sur 16 sont français, mais l’unanimité est requise pour toute décision majeure (et notamment la modification des statuts). La situation est la même à la BEAC avec 3 administrateurs français sur 13. Le pouvoir de la France dans ces institutions est donc considérable et la présence de représentants français garantit la mise en œuvre de tous les principes centraux du système CFA.

Un système monétaire qui constitue une entrave à la souveraineté des États africains de la zone franc

Le franc CFA est un liant qui cimente les relations économiques entre la France et les pays africains de la zone franc. Ces pays ne sont pas libres de la gestion de leur politique économique et monétaire, domaine pourtant constitutif de la souveraineté d’un État. Preuve en est la dévaluation de 1994 décidée unilatéralement par la France.

Malgré le passage à l’euro, la France garde la mainmise sur la zone franc, alors même qu’elle n’est plus émettrice de la monnaie d’arrimage. L’adoption de l’euro aurait pu se traduire par une disparition du pouvoir tutélaire de la France sur ses anciennes colonies, or la France a obtenu que les accords de coopération monétaire de la zone franc ne soient pas affectés par l’intégration européenne.

Cinquante ans après les indépendances, la politique monétaire de la zone franc reste donc décidée par la France en fonction de ses intérêts propres. Cinquante ans pendant lesquels cette politique a été complètement déconnectée des vrais enjeux du développement africain tout en permettant à la France de contrôler économiquement et politiquement ses anciennes colonies au profit de son économie nationale, et au préjudice du développement des relations entre pays africains. Le modèle imposé par le système franc CFA induit une verticalité des échanges (Nord-Sud) au détriment d’une coopération horizontale (Sud-Sud). Un tel système financier, au service des intérêts économiques et politiques de la France, ne peut pas être le vecteur de l’autonomie monétaire et du développement. Il perpétue les relations asymétriques et néocoloniales entre la France et les pays de la zone CFA.

Survie

 

 

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