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Groupe de Reflexion et d'Action pour le Tchad
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28 mai 2013 2 28 /05 /mai /2013 09:33

Le réalisateur tchadien raconte dans Grigris l'histoire d’un jeune homme handicapé qui se rêve danseur et, de son amour avec Mimi, jeune prostituée métisse

Quel est le point de départ du film Grigris, c’est-à-dire la première image du film que vous avez eu en tête?
C’est l’histoire d’un jeune que je connais qui a été menacé avec un pistolet pour cause d’histoire de petit trafic de drogue et qui a failli en fait se faire tuer. C’est ça l’histoire. C’est parti de cette histoire vraiment vécue. Donc une histoire de série B. Je ne voulais pas complètement tomber dans le polar et je suis tombé sur Souleymane Démé, danseur burkinabè et qui m’a permis en fait d’éviter un peu les côtes du polar et de faire une sorte de film qui tutoie par moment le polar et qui n’est jamais un polar, et qui est en même temps un drame social. Je fais l’amalgame de pas mal de choses.

Comment l’avez-vous rencontré?
Souleymane Démé, je l’ai rencontré en 2011 au Fespaco à Ouagadougou. Irène Tassembedo, une chorégraphe burkinabè bien connue, avait organisé un spectacle de danse. J’y étais et là j’ai vu à un moment donné apparaître ce bonhomme tenant sa jambe, comme dans le film. On dirait un flingue braqué sur le public et qui sautillait. Il est rentré sur scène, vous voyez des corps noirs sur scène et lui il avait coloré ses cheveux en blond. Donc on dirait une espèce d’apparition. Je me suis dit, voilà mon personnage. A partir ce de moment, cela m’a permis vraiment d’avancer dans l’écriture du scénario. Quand on a discuté, pour moi c’était très vite évident qu’il pouvait apporter quelque chose à l’histoire.

A cause de sa jambe, c’est un marginal, qui va rencontrer une femme qui elle aussi est marginale puisque c’est une prostituée. Est-ce que vous aviez dès le départ envisagé que ce serait un film avec deux personnages rejetés par la société?
Absolument, je voulais focaliser sur des jeunes. En Afrique, il est évident de part même la culture, la jeunesse est toujours à la marge. C’est le droit d’aînesse qui prime. Dans les bonnes familles africaines, traditionnelles et majoritairement, quand il y a à manger, les bons morceaux sont pour les adultes, les bas morceaux pour les enfants. C’est comme ça. Donc il y a cette marge qu’on vit pendant longtemps et ce sont des gens qui sont dans une sorte de survie, qui vivent la nuit, donc cette nuit africaine dans une ville comme Ndjamena où l’éclairage public n’existe pratiquement pas. Comment ces marginaux-là vont essayer de donner du sens à leur vie. C’est une rencontre entre deux égarés. C’est le début d’une histoire d’amour et c’est cet amour qui va les sauver tous les deux.

Est-ce que c’est compliqué de filmer une prostituée dans un film africain ? Est-ce que c’est compliqué de trouver l’actrice qui acceptera de jouer ce rôle?
Oui c’est compliqué d’autant plus que l’actrice doit à un moment donné faire l’amour. Dans le scénario, c’est une étape obligatoire –je ne peux pas en fait ne pas montrer cette scène-là. Mais en même temps, j’ai vécu dans un quartier où je côtoyais tellement de prostituées, je savais qu’elles voulaient en fait toujours tendre vers une respectabilité. En fait, la nuit, elles devenaient d’autres femmes. Elles sont déjà des personnages. Elles jouent des personnages qu’elles assument la nuit. Le matin, elles redeviennent des femmes respectables. Donc c’est assez cinématographique en fin de compte, ce sont comme des comédiennes. D’où la perruque d’ailleurs de la comédienne qui joue le rôle de la prostituée.

La question du masque est toujours très importante dans vos films. Là en l’occurrence, c’est la perruque que cette métisse doit porter pour apparaître au village, dans son quartier, comme une africaine, et c’est aussi le costume que le danseur est obligé de porter pour masquer sa jambe. Pourquoi la figure du masque est si importante dans votre travail?
Parce que à un moment donné il faut quand même rappeler aussi que l’Afrique, malgré la solidarité, on a des sociétés par moment qui sont assez exclusives, qui ne sont pas toujours bien tolérantes, et que pour se faire accepter, il faut en fait faire comme tout le monde. On aime bien que tout le monde soit semblable. Quand on sort un peu du rang, on essaie en fait de se faire accepter en jouant la norme. Le masque, chacun est porteur d’un masque qui lui permet en fait d’être accepté au sein de la société, de la communauté. Par Elisabeth Lequeret

 

 

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