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Groupe de Reflexion et d'Action pour le Tchad
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                                             « Informer sans tabous et sans mensonges »

8 avril 2010 4 08 /04 /avril /2010 12:05
L’année 2010 marque, on le sait, le cinquantenaire des indépendances de 14 pays d’Afrique noire, « libérés » du joug du colonialisme français, et à l’occasion duquel plusieurs manifestations seront organisées en Afrique et en France. Chronologiquement, c’est le Cameroun qui a été le premier à proclamer son indépendance le 1er janvier 1960, mais la fête n’est célébrée que le 20 mai, date de la réunification et la fin du système fédéral alors en vigueur dans le pays. Le 4 avril, le Sénégal a donc ouvert le bal des festivités par un défilé militaire et l’inauguration du monument dit de la « renaissance africaine », en présence de plusieurs de ses collègues du continent.

En France, peu avant de s’envoler pour Dakar, le « secrétaire général des indépendances africaines », Jacques Toubon, a dévoilé le 1er avril, le contenu des festivités du cinquantenaire lors d’une conférence de presse au Centre d’accueil de la presse étrangère (CAPE). Après l’arbitrage du premier ministre François Fillon, environ 250 projets ont été retenus pour un budget global de 16,3 millions d’euros (environ 853 millions de F CFA). « Ce que je vous présente ce matin pourra bien entendu évoluer, et il est probable que certains projets mentionnés aujourd’hui ne se concrétiseront pas, pendant que d’autres encore en gestation seront finalement réalisés au cours de cette année », s’empresse d’indiquer Jacques Toubon.

En fait, le secrétariat général du cinquantenaire, composé de trois personnes, n’est qu’une machine à propositions, le nerf de la guerre étant entre les mains de Matignon, des ministères des Affaires étrangères, de la Défense et de la Culture. En présence d’ambassadeurs notamment du Congo-Brazzaville et du Bénin, Jacques Toubon s’est voulu convainquant face aux journalistes sur l’intérêt de ces manifestations. « Il y a une certaine ignorance de l’histoire de l’Afrique en France et en Afrique et cela n’aide pas clarifier les relations entre nos pays », croit-il savoir, espérant que le cinquantenaire apporte « plus de connaissances au-delà des prises de position instinctives ou politiques ».

Durant l’année 2010, chaque manifestation sera l’occasion pour l’exécutif français de définir ses priorités sur le contient noir. Fin mai aura lieu à Nice, le sommet « familial » France-Afrique au cours duquel le président français exprimera sa nouvelle vision des relations avec l’Afrique francophone, notamment la renégociation des accords de « défiance, euh, de défense » avec les pays abritant encore des bases militaires françaises.

Point d’orgue des festivités, le 14 juillet, des troupes militaires des ex-colonies, un contingent de 50 soldats par pays, défileront sur les Champs-Elysées, « un hommage et une reconnaissance que la France, l’Europe et le monde libre doivent à la force noire, ces milliers de combattants venus tenir haut le flambeau de la liberté pendant les deux guerres mondiales parfois au sacrifice de leur vie pour des milliers d’entre eux ». « Verra t-on défiler toutes les armées y compris celles qui ont commis des massacres ? », interroge une journaliste allemande.

Allusion aux massacres de 150 civils commis par l’armée guinéenne fin septembre dernier dans le stade de Conakry. Jacques Toubon qui est tout sauf un néophyte en affaires « françafricaines », feint pourtant l’ignorance, botte en touche et renvoie la question à son auteur : « Pourriez-vous me dire quelles sont les armées qui ont massacré ou qui massacrent ? ». Il finira par révéler que de toute façon, ayant pris son indépendance en 1958 après son refus du référendum de la même année, la Guinée ne faisait pas partie des invités. Au Niger, où un coup d’état a mis fin à la dérive autoritaire de Mamadou Tandja, Paris espère que des élections seront organisées d’ici juillet. Quant au président malgache, c’est en catimini que Jacques Toubon l’a rencontré à Paris et son cas est pour le moins embarrassant. Reste la Côte d’Ivoire avec qui les relations ne sont pas au beau fixe depuis plusieurs années.

Officiellement, l’invitation a été lancée au président Laurent Gbagbo et à l’armée ivoirienne, mais la présence du numéro un ivoirien en France, qui dort pourtant mieux depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, est plus qu’incertaine. « La Côte d’Ivoire entend célébrer le cinquantenaire seule, dans le cadre de sa politique nationale de refondation. Nous en prenons acte ». Laurent Gbagbo n’est pas seulement un président, mais aussi un historien qui sait bien le parti qu’il peut tirer en refusant de venir célébrer les 50 ans d’indépendance de son pays en France. A vrai dire, de nombreux Africains s’interrogent sur le sens de la participation des troupes africaines au défilé du 14 juillet. Faut-il rappeler les horreurs, les massacres et les assassinats qui ont jalonné l’occupation coloniale ? Que célèbre t-on ?

La fin du mépris, des humiliations et du paternalisme ? Une Humanité enfin réconciliée ? Que le cinquantenaire des indépendances soit l’occasion, pour ceux dont l’humanité avait été mise entre parenthèse durant l’esclavage et la colonisation, de faire le point sur ce qu’ils ont fait de leur liberté recouvrée est sans doute plus que nécessaire. Mais la parade sur les Champs-Elysées est assurément polysémique. « Le défilé sur les Champs-Elysée n’est ni un signe de réconciliation, puisque nous n’avons jamais été brouillés, ni une démonstration de puissance », explique Jacques Toubon. Il n’est pas interdit non plus de penser, dans l’esprit des rédacteurs de la loi de février 2005, que la présence de leurs troupes militaires traduit la reconnaissance des Africains d’avoir été colonisés !

Joachim Vokouma

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